Les positivistes estiment que l'on ne peut considérer comme "réel" que ce qui peut être observé. Comme la fonction d'onde décrivant l'état d'un système individuel ne peut pas être mesurée, les positivistes estiment qu'on ne doit pas la considérer comme une propriété objective d'un système individuel, mais comme un simple outil statistique de prédiction des faits d'observation et surtout rien de plus. C'est le point de vue majoritaire défendu par les Asher Peres, Antony Legett, etc, etcNicolas78 a écrit :J'y connais rien en physique. C'est peut-être la raison de mon prochain commentaire/question :ABC a écrit : Bref, nous ne faisons pas le lien entre propriété physique observée et thermodynamique statistique quand la propriété en question est censée être propre à l'état quantique d'un système individuel...
...Propriété d'un système individuel qui ne peut pas être observée, donc n'existe que sur un plan métaphysique.
En quoi cette conclusion est-elle positiviste (elle m’apparaît être tout l'inverse en fait) ?
Les réalistes (De Broglie, Schrödinger, Einstein, Podolski, Rosen, Bohm, Bell, Goldstein, Scarani, Valentini, Percival, Bricmont, Arminjon...) estiment au contraire que la fonction d'onde représente une propriété a minima intersubjective d'un système individuel malgré le fait que cette propriété individuelle ne soit pas observable. Il s'agit donc d'une position métaphysique (ce que je ne considère pas obligatoirement comme infamant, mais une hypothèse métaphysique n'est pas, ou pas encore, une hypothèse physique confirmée). En effet, on ne sait pas mesurer l'état quantique que possède un système individuel. On sait seulement préciser l'état quantique acquis par ce système individuel à l'issue de la mesure.
Les réalistes (contemporains) croient que non seulement la fonction d'onde est un champ physique objectif, mais ils croient aussi que le changement d'état quantique d'un système physique provoqué par une mesure quantique est un phénomène physique objectif et objectivement non local. Pour eux, quand Alice mesure la polarisation horizontale/verticale de son photon et trouve, par exemple, une polarisation horizontale, le photon de Bob est, réellement, objectivement, instantanément projeté dans l'état de polarisation verticale (au sens de la simultanéité absolue d'un référentiel quantique privilégié).
Les réalistes admettent donc l'existence d'un référentiel quantique privilégié inobservable à ce jour (un éther si on préfère), ce qui constitue donc une hypothèse métaphysique. J'ai très longtemps été convaincu (intuitivement) par cette interprétation que je trouvais tentante en raison de son caractère réaliste et de son respect du principe de causalité. J'interprétais alors l'invariance de Lorentz comme une émergence statistique, la fonction d'onde et sa réduction comme réelles et le principe de causalité comme fondamental (un principe de causalité non relativiste toutefois car admettant des actions instantanées à distance. Il s'agit du principe de causalité propre à la structure causale de l'espace-temps d'Aristote, l'espace-temps de Minkowski doté d'un éther ou encore un référentiel quantique privilégié si on préfère le dire comme ça).
Pour les positivistes, au contraire, quand Alice a fait sa mesure de polarisation de son côté, elle a seulement modifié l'état de sa connaissance et rien d'autre. La polarisation de la paire de photons, une fois qu'Alice a fait sa mesure de son côté, n'est pas pour eux la propriété objective d'un objet réel spatialement étendu, mais la connaissance qu'en a Alice. C'est seulement localement, du côté d'Alice que de l'entropie a été créée par sa mesure. L'entropie n'a pas augmenté du côté de Bob tant qu'il n'a rien mesuré. Il ne peut donc pas être informé de l'évolution d'état de polarisation de son photon induite par l'action de mesure réalisée par Alice. Selon le point de vue positiviste, il ne s'est donc rien passé du côté de Bob puisqu'il n'a pas de moyen de le savoir. Pour les positivistes, du côté de Bob, il ne se passe rien tant qu'il ne réalise pas de mesure. Du coup, il y a respect du principe de causalité relativiste.
Il existe aussi des réalistes à la Aharonov et Vaidman. Ceux là, par contre, s'appuient sur des faits observés : l'effet rétrocausal des mesures fortes sur des mesures faibles antérieures et non sur de simples préjugés réalistes. Dans cette approche, les résultats de mesure faible sont considérés comme des "éléments de réalité" (car ils préexistent à leur observation contrairement aux résultats de mesure forte). Dans cette interprétation :
- l'invariance de Lorentz est respectée,
- la symétrie T est respectée,
- par contre, le principe de causalité est interprété comme une simple émergence de nature thermodynamique statistique et non comme un principe fondamental.
On ne peut bien sûr pas se servir des mesures faibles pour prédire l'avenir. Cet effet rétrocausal ne peut être constaté qu'après coup, quand on a trié les systèmes objet de mesures faibles en fonction des résultats de mesure forte obtenus, d'où la controverse sur l'usage du terme rétrocausal. N'empêche que la symétrie T de la corrélation entre mesure faibles et mesures fortes antérieures et postérieures est parfaitement respectée. L'asymétrie des évolutions temporelles observable à notre échelle, une manifestation du second principe de la thermodynamique, ne s'applique pas à ces phénomènes. A un niveau fondamental, il n'y a pas de phénomènes irréversibles.
Pour Aharonov et Vaiman, les auteurs d'une formulation time-symmetric de la mécanique quantique, il n'y a pas une fonction d'onde, mais deux : une fonction d'onde évoluant du passé vers le futur et une fonction d'onde évoluant à rebrousse-temps du futur vers le passé. C'est l'ensemble de ces deux fonctions d'ondes qui, selon la formulation de la mécanique quantique à deux vecteurs d'état, détermine complètement les résultats de mesure faible à un instant donné et les faits d'observation le confirment.
En fait, les équations de la physique quantique permettaient de prévoir ces résultats déroutants dès 1927 + epsilon, mais c'est tellement contrintuitif qu'il a fallu attendre 1988 pour s'en rendre compte. Pour Vaidman, un résultat de mesure faible représente bien un élément de réalité. Il est recueilli et non créé par l'observation. Ça n'enchante pas les positivistes (il existe bien une réalité inobservable à un instant donné, celle des résultats de mesure faible préexistant à leur observation) mais les faits d'observation confirment les résultats de la formulation time-symmetric de Aharonov et Vaidman.
Ce n'est pas surprenant d'ailleurs puisque, mathématiquement, la formulation time-symmetric de la mécanique quantique ne s'écarte pas d'un iota de la physique quantique standard. C'est seulement le caractère explicite de la symétrie T qui est nouveau. Cette formulation a d'ailleurs de nombreux succès à son actif (comme, par exemple, l'observation de l'effet hall quantique de la lumière à l'aide de mesures faibles par Hosten et Kwiat en 2008).