Bonjour Pr Dupuis-Déry,
Sur les
différences de salaire entre hommes et femmes, je vous recommande fortement le livre de Thomas Sowell,
Economic facts and fallacies, chapitre 3. Il explique bien à quoi sont dues les différences de salaire entre hommes et femmes aux États-Unis. Il n'y a pas d'effet sexiste à la base des différences, mais des effets liés à la famille, aux grossesses, et à la garde des enfants. S'il y avait des garderies à 7$ aux États-Unis, cet effet serait diminué grandement, surtout chez les femmes qui ont peu d'enfants.
Alors, oui, les différences de salaires semblent bien se réduire à des explications biologiques de type : «la maternité». À cela il faut ajouter que les femmes semblent affectionner plus particulièrement des métiers moins bien payés, et qu'elles aiment souvent travailler moins d'heures que les hommes. J'ajouterai que les syndicats féminins sont beaucoup moins forts en négociation que les syndicats masculins, de la même façon que les femmes, en général, cherchent moins les promotions et sont moins revendicatrices, en dehors des groupes féministes, que les hommes. Elles sont aussi plus religieuses et plus conformistes. C'est fort probablement lié au taux de testostérone, qui favorise, chez l'homme, l'agressivité et la compétitivité.
Sowell souligne aussi qu'entre les hommes et les femmes sans enfants, dans le même type d'emploi, les salaires très similaires. C'est quand un couple décide d'avoir des enfants que la différence se creuse. La femme décide d'être plus présente avec les enfants, alors que l'homme fait de son mieux pour obtenir un plus gros salaire, pour supporter la famille. La même chose devait probablement se produire chez nos ancêtres chasseurs/cueilleurs. Il se dessine aussi un écart entre les hommes sans enfants et ceux qui en ont; ces derniers ont de meilleurs salaires et ils travaillent plus.
À souligner aussi, Sowell est un auteur noir, et il a écrit un chapitre sur les salaires des noirs et des blancs. Et il critique vertement la mentalité de bien des noirs... et il met en évidence les avantages des asiatiques sur les blancs américains, avantages liés à une culture mieux compatible avec le monde du travail.
Quant au socioconstructivisme...
Plusieurs socioconstructivistes tendent fortement à développer des idées tout en minimisant au maximum les facteurs biologiques. Pourtant, en psychologie, on développe de plus en plus l'approche biopsychosociale pour tenter de comprendre le comportement humain. Pour ce faire, on étudie ainsi les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux, en relation avec l'environnement.
En anthropologie, alors que l'onconsidérait les facteurs biologiques chez l'humain comme étant sans importance, on se rend compte de plus en plus que ces facteurs sont primordiaux. Je vous invite à lire le livre du primatologue Bernard Chapais,
Liens de sang, ou à écouter ses vidéos sur YouTube.
https://www.youtube.com/watch?v=irGYnTnGeJQ&t=20s
Il montre bien jusqu'à quel point les facteurs génétiques sont importants pour expliquer les différences de comportements entre les espèces animales. Supposer que ces facteurs n'ont aucun effet sur l'humain est tout simplement une position idéologique indéfendable devant les données de la biologie.
On tend aussi à sous-estimer l'effet de la contraception sur nos mentalités actuelles. En absence de contraception, les femmes avaient en moyenne 7 enfants (avec un taux de mortalité dans les 5 premières années de l'enfant typiquement de 30% au XIXe siècle). Le fait d'enfanter et d'allaiter, souvent pendant 1 à 5 ans, a créé des conditions favorisant une distribution complémentaire des tâches entre hommes et femmes. Et aujourd'hui, on voudrait effacer ces différences, en prétendant qu'on a une société phallocrate dans laquelle le corps des femmes appartient aux hommes (propos de la Dre Eve Séguin, politicologue féministe à l'UQAM). Vous comprendrez mon désaccord! La distribution des rôles des hommes et des femmes s'est plutôt développée avec l'interaction du biologique (grossesses, allaitement, génétique, hormones) et du social. À mon avis, il faut donc mettre la fumeuse "théorie du genre" de Judith Butler dans la poubelle à mythes.
Vous mentionnez ci-dessous avoir lu les écrits du primatologue Frans de Waal. C'est un bon début, mais de Waal n'a étudié que les primates en captivité. Il a cependant mis en évidence que les règles morales humaines se sont développées à partir des comportements des primates sociaux, et que ces règles n'ont rien d'extraordinaire. La même "morale" est présente partout: dans ton groupe social, aide ton prochain; à l'extérieur de ton groupe social, ignore les autres ou tue-les si tu es en compétition avec eux pour les ressources alimentaires ou sexuelles (ou religieuses chez l'homme). Ça ressemble énormément aux morales religieuses (même les bons catholiques envoient les incroyants en enfer), et ça explique les causes de bien des guerres.
Finalement, si vous voulez que le socioconstructivisme soit une démarche scientifique, il faut y intégrer les données autres sciences. La science forme un tout, et si les conclusions entre une approche scientifique et une autre sont en contradiction, il faut résoudre les problèmes et trouver où ça cloche. Présentement, entre le socioconstructivisme et la biologie, ça clash! Le socioconstructivisme tient plus du post-modernisme que de la science.
Vous mentionnez ci-dessous l'âge des cavernes et des chasseurs de mammouths, que vous abordez dans votre livre. Je veux juste écrire ici que je n'y crois pas vraiment. La densité des populations humaines est toujours plus grande sur le bord des lacs et des rivières, ce qui me laisse croire que nos ancêtres étaient avant tout des pêcheurs/cueilleurs. Si on ne mange que des poissons et quelques fruits, on ne souffre pas de problèmes alimentaires. Sans poissons, les problèmes cognitifs se font sentir (manque d'iode et de certains omégas-3).
Les (pseudo)sciences humaines
Ce que je reproche à bien des disciplines liées aux sciences sociales et à la philosophie, c'est de développer des idées en vase clos, en laissant de côté les données biologiques, ou en les niant. On ne fait ainsi que propager des idéologies et de la pseudoscience.
On est en train d'éliminer les départements de théologie dans les universités. On élimine ainsi les "philosophies religieuses" qui se basent sur d'anciens écrits et des révélations. Par contre, on a, dans les universités, plein d'idéologues qui font du prosélytisme, et qui ressuscitent un peu trop souvent des mythes tel celui du bon sauvage (devenu l'amérindien écologiste), celui de la femme bonne et victime, celui de l'homme blanc colonialiste agresseur responsables des troubles des femmes, des minorités ethniques et des pays anciennement colonisés, celui de la culture du viol au Québec, etc. Je pense que ces idéologies n'ont pas à être encouragées dans le monde universitaire. L'université devrait servir à transmettre des savoirs, mais pas des croyances... ou des idéologies. Je suis donc en bonne partie d'accord avec ce qu'a fait le Japon.
https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/a ... mer-16801/
Toujours sur ce sujet, je réponds ici à la sociologue Francine Descarries et à la doctorante Sandrine Ricci, qui ont publié un article intitulé
À la défense de savoirs scientifiques responsables et engagés dans les universités:
https://www.sceptiques.qc.ca/ressources ... es/qs99p27
Sceptiquement vôtre,
Michel Belley
VP Sceptiques du Québec
Membre du CA de l'Association Humaniste du Québec