LePsy a écrit :Cette réalité objective que tu définis n'existe peut-être pas puisque la seule façon de l'appréhender c'est qu'elle passe par le cerveau.
En matière de physique quantique, il y a évidemment plusieurs interprétations. Mais quoiqu'il en soit, pour le physicien
(le physicien philosophe, uniquement), la
réalité en soi (ce que tu appelles ici la "réalité objective") existe bien… mais sans les caractéristiques que nous attribuons au terme "exister".
En fait, le terme "réalité" ne lui va pas très bien et le terme "objective", encore moins...
C'est plutôt un
truc dont on ne peut rien dire. Pour une raison essentielle : notre habitude immémoriale de penser le monde en terme d'objets. Ce qui fait que nos raisonnements profonds (ancrés), notre syntaxe, notre sémantique, notre vocabulaire,… nous empêche ou du moins nous donne des difficultés à envisager le concept de "quelque chose" qui n'existe pas vraiment, mais qui est à la base de tout ce qui existe dans notre monde de la vie courante.
Est ce de la "matière", telle qu'on la conçoit naïvement ? Sûrement pas. Est-ce de "l'énergie" ? L'idée s'en rapproche, mais ce n'est pas vraiment ça non plus : c'est autre chose.
Le concept n'est pourtant pas du tout nouveau pour la pensée humaine. Je dirais bien qu'il représente très précisément
sunyata,
le "vide". Mais je ne le ferais évidemment pas, sinon on va encore m'accuser de me retrancher derrière le bouddhisme.
Je n'ai pas lu Nick Bostrom dans le texte, mais la vidéo est pas mal explicite.
Je n'ai aucun problème particulier à me figurer que tout ce que je perçois (y compris mon corps et mes organes de perception
) résulte d'un programme informatique.
Mais je trouve que cette manière de voir est pas mal influencée par une certaine pensée technocratique naïve. Toute la pensée de Nick Bostrom est biaisée à la base.
La définition de "maturité technologique"
(sur laquelle se fonde tout le raisonnement) laisse plutôt à désirer.
Ce serait le point où l'humain pourrait créer un humanoïde
conscient en tout point semblable à lui. Mais malheureusement pour Nick, actuellement on en est seulement à commencer à se demander ce que c'est que la conscience…
et même que plus on l'étudie, plus ça se révèle complexe.
C'est déjà difficile d'avoir un simple consensus sur ce que sont les qualia. Certains, trop pressés d'atteindre l'avènement de cette fameuse "maturité technologique", affirment même que les qualia, ça n'existe pas, hop !
En sautant les étapes, c'est évidemment facile de s'imaginer un robot de science fiction soi disant "conscient"... ce qui est parfaitement naïf.
Il est bien possible que dans pas tellement longtemps, avec de nouvelles données en ce qui concerne ce qu'on appelle encore "notre conscience", on se rende compte que ce n'est pas possible, au point de vue de l'incommensurabilité de la récolte d'information sur le système, de construire quelque chose en tous points identique à un humain... et que finalement "notre conscience" n'existe pas vraiment, mais que ce que nous rassemblons sous ce vocable renferme en fait quelque chose de bien plus vaste.
Bref, penser qu'on puisse sans aucun doute un jour mimiquer un humain, quelque chose qu'on ne connaît pas du tout, c'est particulièrement enfantin…
LePsy a écrit :Et quand tu parles de réalité opératoire, opératoire c'est le pragmatisme c'est à dire à des fins de survie. Le maintient d'un écosystème en sorte.
Il y a un petit peu inadéquation entre nos deux discours. J'aborde le mien sous l'aspect des implications philosophiques de la physique quantique
(plutôt méconnues dans le milieu des sciences humaines et c'est dommage) et toi sous l'aspect d'une philosophie plutôt classique occidentale.
Le pragmatisme dont je parle, c'est celui de l'école de Copenhague, qui décide par pragmatisme, justement, de ne pas se soucier de la
réalité en soi (ce qui ne déboucherait pour elle que sur l'interminables discussions métaphysiques) pour n'étudier que ce qui est étudiable : ce qui relève de la
réalité opérative (opératoire si tu veux).
Sinon, oui. Le fait que nous percevons le monde sous forme d'objet, avec une "solidité", résulte peut être d'une contingence évolutive.
Et selon la physique quantique, nous devrions percevoir l'Univers sous la forme d'un enchevêtrement quantique. Ou plutôt, la physique quantique n'a aucune explication au fait que nous percevons un univers d'objet et pas la fonction d'onde globale non réduite
(le truc dont on ne peut rien dire, sunyata
)...
LePsy a écrit :C'est toi qui joue de la sémantique pour imposer ton style et avoir raison.
Je ne cherche pas spécialement à avoir raison, mais je cherche surtout à essayer de me faire comprendre.
Et pour trouver une interface de compréhension entre des psychés qui ne sont pas en adéquation, j'essaye au mieux de mes possibilités d'adapter ma sémantique, effectivement...