Jean-Francois a écrit : ↑25 déc. 2017, 13:19
Mais cela ne changerait rien au fait que ça aurait toujours été le cas. Cela ne changerait rien au fait que les comportements humains montrent une forte complexité et une apparence de volonté. Il faudrait redéfinir ce que l'on entend par responsabilité mais cela n'invaliderait pas totalement le concept.
Je suis d'accord. Effectivement, il ne s'agit que d'une découverte, donc s'il n'y a pas de libre arbitre aujourd'hui, c'est qu'il n'y en a jamais eu.
Vous dites qu'il faut redéfinir ce qu'on entend par responsabilité, je suis entièrement d'accord avec vous. Néanmoins, si il y a un déterminisme absolu et qu'il y a zéro libre arbitre, le concept de responsabilité tombe à l'eau. Il devient alors purement arbitraire de dire que c'est le bâton le responsable ou le bourreau ou encore la victime. Car dans une suite d'enchaînements de cause à effet déterministe, le bourreau ne serait pas plus responsable dans la mesure où il n'est qu'une suite d'événements préalables eux-mêmes déterminés et ainsi de suite. C'est pour cela que je pense que la notion de responsabilité n'est pas un concept relevant d'une réalité au sens physique du terme mais d'un aménagement de croyances, de cultures, de points de vue... bref, d'une politique particulière associée à une société civilisée.
Néanmoins, en ce qui me concerne, cette notion de non libre arbitre (si tant est que l'on prouve à 100 % qu'il n'existe pas, ce qui n'est pas encore, à l'heure actuelle, prouvé et ne fait pas consensus dans le milieu scientifique) me crée vraiment un nœud intellectuel ou une incompréhension où mon cerveau sature. C'est donc un sujet que je vais encore exploiter, néanmoins tenter de lire encore des articles scientifiques à propos de ce sujet mais il n'y a pas non plus énormément de papier là-dessus. D'ailleurs si vous avez quelques références hormis les trois cités dans l'excellent diaporama du site "cerveau à tous les niveaux" localisés chez nos cousins québécois.
On peut quand même considérer que le bourreau aurait pu s'engager dans une autre voie. Même dans une optique déterministe assez strict, il y a des raisons de punir des comportements immoraux et/ou illégaux (empêcher la récidive ou dissuader l'imitation par exemple). Et maintenir un système juridique est important car l'alternative est socialement plus destructive. De toute façon, le système fait partie de l'environnement qui influence les cerveau: c'était le cas même quand on ignorait tout du fonctionnement du cerveau et cela le serait encore même si on devait démontrer l'absence de libre-arbitre.
Ne pas être entièrement libre de ses choix ne veut pas dire que nous sommes condamnés à ne pas pouvoir changer. C'est surtout mieux comprendre pourquoi c'est difficile de changer.
La question est bien ici justement... le bourreau peut-il s'engager dans une autre voie? Car au moment où il exécute le coup de bâton, son cerveau a déjà programmé cet acte. Tout est déjà ficelé. Benjamin Libet parle d'esprit au-delà des neurones, et cette expression est intéressante car selon lui il y a bien autre chose (?) qui intervient pour stopper une idée, une parole, un acte... ou tout autre phénomène que l'on arrive à détecter avec sa conscience avant qu'il se réalise... qu'il ait un impact dans la réalité.
Il parle de droit de veto. Il explique que le seul effet que nous pouvons avoir sur notre cerveau et sur le monde en définitive est de s'opposer à des choses déjà programmées. Lui parle donc de libre arbitre mais d'une façon très modérée. Il ne s'agit donc pas dans ce cas d'un déterminisme absolu puisque un acteur externe peut intervenir dans la suite d'effondrements des dominos afin d'arrêter toute la suite de causes à effet sans fin.
D'un côté, on a donc quelque chose qui pourrait agir, ce serait "l'esprit" du bourreau qui pourrait infléchir sur la lignée cause conséquences qui est en train de se produire. Il peut donc s'engager dans une autre voie.
D'un autre côté, nous avons un déterminisme strict où le bourreau ne peut pas agir sur ce qui se passe en lui et autour de lui. Il est agi et non pas acteur. Il ne peut donc pas s'engager dans une autre voie.
Personnellement je crois surtout en l'éducation chez les enfants et de façon "logarithme népérien" (dans le sens où plus ils sont grands, moins nous avons d'effet sur eux). Je ne serai donc pas catégorique comme la célèbre fausse idée selon laquelle tout se joue avant cinq ans...
Le modèle punitif dans le sens où l'on reçoit un stimulus aversif lorsque l'on se comporte d'une façon qui fait du tort à autrui voire à soi-même, je l'entends bien mais il fonctionne, selon moi, que si, en même temps, nous avons une bonne dose de respect et d'amour. Ce qui n'est pas le cas pour nos chers concitoyens qui pourrissent en prison...
Le modèle éducatif qui est encore plus efficace est le modèle du renforcement positif où l'on ne punit pas les mauvaises actions mais où l'on renforce (récompense) les bonnes actions. Il faudra que je remette la main sur les études scientifiques qui prouvent que l'on peut éduquer un être humain sans passer par le modèle punitif mais uniquement avec le modèle de récompensation. Néanmoins, il s'agit d'études de laboratoire... Il serait bon de voir ce que ça donnerait si on l"appliquait vraiment chez les jeunes et les enfants de toute une société. Là encore je dirais que ce n'est pas très naturel de traiter un être humain uniquement avec des comportements positifs mais la science a parlé et pour une civilisation plus en paix je crois qu'il serait bon de l'écouter.
Pour le maintien d'un système judiciaire, je pense également qu'il est très important qu'il soit maintenu mais alors avec de grosses réformes tenant compte de ces fameuses découvertes scientifiques. Que ce soit celle du libre arbitre... ou celle de l'éducation positive.
On est d'accord sur le fait que même le système punitif actuel du ministère de la justice fait partie des lignes de dominos qui vont s'entrechoquer avec d'autres lignes de dominos et ainsi de suite pour donner lieu à des événements déterminés (totalement ou presque?) et dont on peut y voir une efficacité non négligeable. Je suis le premier à critiquer notre société à tort et à travers mais je lui reconnais un niveau de confort et de paix que j'imagine jamais égalé dans l'histoire humaine. En effet, au Moyen Âge, je serais déjà mort voire je n'aurais jamais vu le jour...
Globalement je voulais signifier que ces découvertes qui restent à approfondir peuvent sincèrement améliorer l'état de la situation dans ces domaines-là.
La question de pouvoir changer est bien celle qui m'intéresse le plus depuis toujours. Et c'est pour cela que j'ai choisi le métier de psychologue. Si nous n'avons aucune liberté de choix (absence de libre arbitre total) alors le changement ne vient pas de nous au sens où on l'entend habituellement. Il provient de l'environnement agissant de façon favorable sur un cerveau qui lui-même a été câblé de façon favorable. Le bourreau va donc être pris au piège entre un environnement et la façon dont son cerveau réagit à ce dernier. Ce phénomène émergeant qui est à la croisée de l'environnement et du cerveau n'est autre que le résultat d'une équation mathématique complexe mais peut-on parler de choix?
La question du changement pour le bourreau est ultra complexe. Je pense que vous devez vous douter que si je fais ce métier (qui plus est avec une énergie démesurée

...) c'est que quelque part en moi je
crois que le changement est possible mais qu'il est d'une complexité parfois redoutable.
Même en disant tous les jours aux gens que je rencontre, que ce soit sur un plan professionnel ou personnel, qu'ils peuvent changer et qu'une partie viendra d'eux-même... je ne suis pas convaincu à 100 % à l'heure actuelle de la réalité d'un libre arbitre si petit soit-il... d'où un vrai paradoxe encore une fois chez moi

.
En définitive, je pense que le bourreau peut changer mais dans certains cas bien précis et on est encore loin d'avoir compris totalement comment cette évolution favorable est possible...
Ma vision un peu candide de la nécessité de reconnaissance, de respect et d'amour pour établir une société humaine de qualité est, je le reconnais, un peu légère et utopique mais je pense néanmoins que c'est une très bonne base sur laquelle on devra peut-être établir d'autres paramètres un peu moins romantique. Je laisse la science infusait pour la suite de l'histoire...
Qui pensera comme ça et pourquoi? C'est un peu outré comme réaction. À ce prix, vous pourriez tout aussi bien dire qu'à partir de maintenant vous giflez ceux que vous rencontrez en guise de salutation... et vous vous dédouanez en disant que c'est la faute au déterminisme et que votre comportement était programmé dans le Big Bang.
Il faut quand même distinguer ce qui tient de la compréhension des mécanismes fondamentaux de la nature (dont le fonctionnement du cerveau) et le contexte socio-culturel. Ce dernier n'a pas à être totalement caduque à cause d'une meilleure compréhension de la nature des choses: il faut garder raison. Surtout que le nombre et la complexité des interactions entre les différents paramètres physiques qui entrent en jeu fait en sorte qu'il est virtuellement impossible de prédire ce qu'il adviendra d'une vie.
En fait, c'est comme si vous noircissiez le portrait de cette compréhension pour refuser l'idée d'une forme de déterminisme.
Mais ce n'est pas de votre faute
Il est vrai que cette conclusion est surprenante mais elle n'est pas totalement fausse. Dans une logique déterministe pure, on pourrait suivre ces comportements agressifs dont vous faites part. C'est ce que dit d'ailleurs Gazzaniga lorsqu'il évoque les expériences sociales où les humains agissaient en sachant qu'il n'avait pas de libre arbitre du tout... c'était le chaos!
J'apportais une petite réflexion sur ses études notamment sur ce qu'il en est du bien-être des gens et de leur état de paix intérieure.
Votre expérience de pensée contient le préalable où j'aurais
envie de gifler. Si je suis dans une paix intérieure totale (état peut-être utopique à atteindre...), je n'aurais certainement pas envie de gifler les gens et donc encore moins de me dédouaner derrière.
Donc pour en arriver à gifler son prochain, il faudrait que des éléments préalables (eux-mêmes déterminés) me pousse à gifler.
Je pense sincèrement que ma réflexion n'est pas outrée mais que nous abordons ici des choses qui pour moi sont d'une complexité extrême et que j'ai peut-être du mal à me faire comprendre par écrit (ou même à l'oral là pour le coup

).
Je suis d'accord sur le contexte socioculturel et sur le fait qu'il ne peut pas être caduc du jour au lendemain. S'il ne peut pas être remis en question de façon aussi rapide et importante, ce n'est pas parce que il ne doit pas l'être au regard des dernières découvertes scientifiques mais c'est que pour des raisons de complexité au changement dans une société, il faut énormément de temps. Mon côté "rebel anti-système

" me pousse à aller chercher là où il y a des choses à modifier afin d'améliorer les choses, selon ma vision personnelle bien-sûr.
Le contexte socioculturel doit donc être au moins en partie remis en question par la science. Cela s'applique au domaine éducatif et juridique mais l'on pourrait dire la même chose dans tous les domaines.
Pour ce qu'il en est des prédictions concernant un être humain en fonction de son environnement et de l'État de son cerveau et donc de ce qu'il émergera de ce croisement est effectivement trop complexe pour pouvoir lire l'avenir. J'ai bien compris dans mes lectures récentes que même les déterministes les plus acharnés sont d'accord pour dire qu'un changement infra-mesurable pourrait modifier énormément le cours des choses. Cela laisse une part d'inconnu et d'imaginaire pour la suite de la vie et de nos vies. Que se passera-t-il alors si un jour nous arrivons à tout mesurer même le plus infime des "éléments" de notre univers? Bon je m'arrête là... sinon je repars sur une discussion qui sort du champ de mon topique...
Sur votre dernière phrase de la citation, je pense que vous me comprenez mal. Je ne noircis pas le tableau puisque j'exprime la possibilité d'une forme de sagesse grâce à la science et donc grâce en partie à la logique déterministe où le libre arbitre n'a plus sa place.
Je ne refuse pas le déterminisme. J'essaie de comprendre de manière la plus objective (c'est-à-dire en prenant beaucoup de recul sur mes croyances, mes états d'âme... et tout ce qui pourrait me faire prendre partie d'un côté comme de l'autre) la vie et l'univers dans son ensemble.
Maintenant sur un plan purement personnel, je crois encore (donc je me rapproche plus de la position de Benjamin Libet) qu'il existe
quelque chose qui nous appartient en propre et qui vient jouer au milieu de ce phénomène émergeant entre la mécanique cérébrale et l'environnement socioculturel. Aussi infime soit-il, cet effet émanant de
je ne sais quoi qui relève du vrai
nous existe bien pour moi mais à l'heure actuelle je suis incapable de l'expliquer. Il s'agit là d'une croyance, j'en conviens, mais qui comme je l'ai dit plus haut, est une croyance nécessaire au moins a minima. Mais je peux tout aussi bien, disons à 50 %, adhérer à l'idée qu'il n'y a pas ce petit je-ne-sais-quoi qui agit au milieu de tout ce bazar cérébral. Je reconnais sincèrement que l'idée donc un peu plus dualiste (même si selon moi, ce qu'on va appeler l'esprit, pour clarifier, n'agirait que de l'ordre disons de 1 à 2 % au milieu de cette émergence) me plaît davantage que la logique déterministe absolue où il n'y a aucune place pour autre chose que du monisme pur et dur.
Néanmoins pour reprendre votre point d'humour, je dirais que ma perception ou ma capacité à entendre telle ou telle philosophie ou paradigme sur l'univers ne dépend pas de moi mais de tout ce qui s'est passé dans ma vie et même celle de ceux qui m'ont donné naissance (et allez on repart jusqu'au big-bang...) où personnellement je ne pense pas avoir une grande responsabilité (de 1 à 2 %...

) voire pas du tout. Mais comme vous pouvez le dire, qu'est-ce que ça change finalement de s'attribuer la totalité, une partie ou bien l'absence de responsabilité d'une telle perception ou réflexion? Moi je pense personnellement, que de s'attribuer les choses à une hauteur très faible rend humble et modeste et en cela encore une fois je pense que il y a des éléments de sagesse pour l'être humain.
Cette vision que j'essaie d'exposer, mais qui en réalité est partagée au moins par Henri Laborit, permet pour les choses plutôt gratifiantes la modestie et pour les choses plutôt ingrates le pardon.
Modestie et pardon étend des valeurs en lesquels je crois, il est évident que cela m'arrange bien de percevoir les choses ainsi et d'utiliser l'autorité de la science pour faire entendre mon idéologie quoiqu'un peu trop catholique ou bouddhiste je l'entends.
Mais bon, nous sommes tous ainsi, nous nous arrangerons tous à conformer la perception de la réalité en fonction de nos possibilités intérieures au sens psychologique du terme. L'habilité de notre mental à adapter la perception de ce qu'il croit être la réalité pour garder son confort émotionnel me surprend toujours. Piaget parlait d'assimilation et d'accommodation pour parler de cette capacité psychologique d'adaptation éternelle, et c'est valable également pour notre équilibre émotionnel.
Je pense aussi qu'on n'est pas obligé de ce faire des illusion, on peut accepter l'absence de lire-arbitre tout en continuant à vivre en tant qu'individu. (Cela dit, ce n'est pas forcément facile et, en plus, de nombreuses personnes ne peuvent déjà pas comprendre le problème.)
Je suis d'accord avec vous, en partie seulement car je suppose que ce n'est pas tout le monde qui peut accepter à 100 % la réalité de l'absence de libre arbitre et continuer à vivre tranquille comme avant. Selon la structure de notre mental, on peut effectivement utiliser cette réalité pour laisser déchaîner de mauvaises pulsions... ou au contraire aller vers plus de compassion et rentrer dans un mécanisme de bienveillance à l'égard d'autrui... ou encore n'en tirer aucun changement...
ou pour finir, comme vous le dites, ne même pas comprendre de quoi nous sommes en train de parler...
De toute façon, nous verrons bien comment les choses évoluent socialement au regard de cette découverte... pour ma part, je pense que les êtres humains actuellement, ne sont pas encore prêts dans l'ensemble à gérer une telle découverte... il y a ce que les psychanalystes appellent des mécanismes de défense, des sortes de barrières que notre mental construit pour ne pas tomber dans une dissonance cognitive destructrice.
Empathie serait un terme plus approprié qu'amour, àma.
Jean-François
Je crois que ce point rejoint un échange qu'on avait déjà eu autour de l'ocytocine... mais là je vais devoir interrompre ma graphorrhée... (encore que je devrais dire ma logorrhée car j'utilise un logiciel de reconnaissance vocale qui traduit ma parole en écrit de façon remarquable même si ce n'est pas parfait... bon je sais, c'est de la triche

, il est alors plus facile pour moi d'affiner mon propos mais j'ai un tel plaisir à échanger ici que j'ai du mal à me limiter... je ne vais donc pas me plaindre si vous êtes le seul à me répondre, j'ai déjà de la chance qu'au moins 1 personne considère mes réflexions sans fin...).