jean7 a écrit : ↑22 juil. 2018, 06:51Si les systèmes déterministes n'existent pas, voir pire si on remet la causalité en question, ça devient difficile de trouver une signification à la liberté.
Pour ma part, je ne le pense pas. Je pense que notre difficulté à comprendre et définir la notion de liberté (dont la notion de libre arbitre, et ce, indépendamment de toute considération relative au débat déterminisme/indéterminisme ou encore causalité/rétrocausalité) est (à mon avis) à relier à notre tendance à attribuer une signification absolue, intrinsèque, objective, aux phénomènes, objets, notions qui nous sont familiers .
Nous avons, en effet, cette vision absolue, intrinsèque, objective en un mot, réaliste (ontologique par opposition à épistémique) de ces phénomènes, objets, notions parce que nous les expérimentons, touchons du doigt, observons quotidiennement.
Ce qui consolide cette vision réaliste de l'univers qui nous entoure et des lois et propriétés que nous lui attribuons, c'est le fait que notre commune myopie d'
observateur macroscopique garantit
la reproductibilité de nos observations et leur intersubjectivité. C'est un élément essentiel de l'acquisition de connaissances scientifiques par l'observation. Nous partageons avec, à mon avis, l'ensemble du monde du vivant (et non pas seulement l'ensemble des observateurs conscients), la même entropie pertinente, la même
description incomplète de l'univers qui nous entoure (l'entropie est le manque d'information des observateurs macroscopiques sur l'état des systèmes observés, la poubelle à information non pertinente à notre échelle macroscopique d'action et d'observation).
Comme le présent, comme la simultanéité, comme l'écoulement irréversible du temps (probablement, j'ai du mal avec ça), comme les propriétés des systèmes observés et comme les lois physiques que nous attribuons à l'univers, la liberté est une notion relative,
relationnelle
Une
absence de liberté signifie, en fait, une contrainte :
- celle de ne pas pouvoir aller jouer au tennis parce que je suis je suis cloué au lit avec une bonne grippe,
- celle de ne pas pouvoir assister à un match de football parce que ça se situe trop loin de chez moi ou pendant une période où je ne peux pas m'absenter de mon travail,
- celle de ne pas pouvoir m'acheter la magnifique villa dont je rêve parce que je n'en ai pas les moyens financiers,
- celle de ne pas pouvoir exprimer librement mes opinions politiques parce que je suis dans un pays où ce n'est pas une très bonne idée,
- celle de ne pas pouvoir aller me promener librement ou vivre ma vie comme je le souhaiterais parce que je suis en prison,
- celle de ne pas pouvoir marcher parce que je suis paralysé des jambes
etc, etc
Une liberté se définit donc
relativement à l'
absence d'une contrainte ou d'un ensemble de contraintes.
Une liberté absolue, une liberté associée à l'absence de toute contrainte est un concept absurde. La tendance à associer cette notion absurde de liberté absolue à la liberté d'action et au libre arbitre entre, à mon avis, pour une part non négligeable (voir essentielle) dans notre difficulté à cerner, voire même du coup à admettre, la notion de liberté et plus encore celle de libre arbitre.
Mon sentiment c'est que, depuis l'avènement de la relativité et de la physique quantique, nous sommes (vraisemblablement) confrontés à l'obligation d'adopter une interprétation nouvelle du monde qui nous entoure.
Les propriétés que nous attribuons aux objets et phénomènes que nous observons, ne sont pas propres, intrinsèques à ces objets et phénomènes. Elles correspondent à la
connaissance que nous recueillions sur les
relations que nous établissons avec ces objets et phénomènes. Ces objets et phénomènes n'ont pas de propriété objectives qui "existeraient" dans l'absolu indépendamment de toute relation observateur/système observé et attendraient sagement d'être recueillies.
La validité de ces connaissances recueillies ne se définit pas dans l'absolu, par leur conformité à "la réalité" (un concept métaphysique qui aurait des propriétés absolues, indépendantes de toute notion de relation observateur-système observé) mais par leur
capacité à nous fournir des prédictions statistiquement optimales. Bref, pour ma part, je finis par pencher assez nettement vers le point de vue des Fuchs, Peres, Rovelli et compagnie.
C'est ce caractère prédictif qui confère leur "valeur de vérité" à ces connaissances en nous permettant de les utiliser avec succès. Cette utilisation consiste à se servir de ces informations en vue d'atteindre les objectifs de maîtriser et mettre à profit notre environnement et ses ressources (alimentaires et énergétiques notamment) à des fins de satisfaction :
- d'abord de nos besoins primaires,
- ensuite de nos besoins ou motivations émotionnels.
La difficulté conceptuelle d'assimiler ce passage :
- d'une conception ontologique à une conception épistémique de l'acquisition d'information sur le monde qui nous entoure,
- du caractère fatalement relationnel qu'introduit le concept fondamental d'observation et de relation sujet-objet,
- d'un point de vue réaliste à un point de vue positiviste (pas sur d'ailleurs que j'aie vraiment fini de franchir ce pas, ni que je sois certain de ne pas faire machine arrière dans les mois ou années à venir),
Ce caractère relatif (à
des contraintes) s'applique aussi, et tout particulièrement, à la notion de liberté (dont la notion de libre arbitre).