Texte annonçant la soirée
« La communication de M. St-Onge abordera un certain nombre de mythes qui sont largement véhiculés au sujet de l'industrie pharmaceutique. Est-il vrai que l'industrie pharmaceutique est une industrie à risque ? Les coûts de la recherche et développement justifient-ils le prix des médicaments ? Les grandes sociétés pharmaceutiques sont-elles aussi innovatrices qu'on le dit ? Peut-on se fier au processus d'approbation des médicaments ? Les essais cliniques sont-ils à la hauteur des attentes et peut-on faire confiance aux résultats qui sont rendus publics ? L'information distribuée par l'industrie pharmaceutique est-elle objective ? La médiatisation dont le médicament est l'objet conduit-elle à la surconsommation et à la médicalisation des événements normaux de la vie d'un individu ?
Jean-Claude St-Onge a fait ses études de philosophie à Montréal, à Edmonton et à Aix-en-Provence. Il détient une maîtrise en philosophie de l'Université de l'Alberta et un doctorat en socioéconomie de l’Université de Paris. Il a publié La Condition humaine : Aperçu de quelques conceptions de l'être humain aux Éditions Gaëtan Morin, ainsi que plusieurs ouvrages aux Éditions Écosociété dont L’imposture néolibérale. Marché, liberté et justice sociale, ADQ, voie sans issue (en collaboration avec Pierre Mouterde), et en octobre 2004 L'envers de la pilule : Les dessous de l'industrie pharmaceutique, qui en est rendu à son cinquième tirage. Il a fait paraître de nombreux articles et des études notamment pour le Bulletin d’histoire politique.
Il a enseigné l’histoire économique à l’Université du Québec à Montréal, où il était professeur titulaire. Il entreprend sa vingt-troisième année au département de philosophie du Collège Lionel-Groulx, où il a également enseigné l’économie. »
Daniel Picard, président des Sceptiques du Québec, s’informe de la présence de nouveaux auditeurs dans la salle et présente l’association des Sceptiques du Québec. C’est un organisme à but non lucratif qui existe depuis 1987. Il fait la promotion de l’esprit critique et de la pensée rationnelle en organisant, entre autres, des conférences le 13 de chaque mois. Les Sceptiques du Québec produisent aussi le magazine Le Québec Sceptique, trois à quatre fois par année, et distribuent également des livres et articles dans des écoles de la province pour y promouvoir l’esprit critique et la pensée rationnelle.
M. Picard nous annonce aussi que les Sceptiques du Québec se sont récemment associés à la Commission Scolaire De Montréal dans le cadre d’un concours pour lequel les élèves du troisième cycle du primaire devaient écrire un court texte critique. Les Sceptiques du Québec ont remis un prix de 50$ à chacune des deux gagnantes, élèves de l’école Christ-Roi. Leurs textes, l’un portant sur le Yéti et l’autre sur le triangle des Bermudes, seront publiés dans la prochaine édition du Québec Sceptique.
L'animateur de la soirée, François Filiatrault, nous rappelle d’être vigilants au cours de l’été afin de trouver des candidats pour les prix Sceptique et Fosse Sceptique 2005 qui seront attribués en janvier prochain. Le premier prix est décerné à une personne ou un organisme qui s’est démarqué par son esprit critique et sa pensée rationnelle, alors que le second est remis à quiconque a fait preuve d’une crédulité exceptionnelle ou d’une exploitation de crédulité.
M. Picard souligne que l’industrie pharmaceutique est omniprésente dans notre vie quotidienne, et particulièrement lorsqu’on est malade. On entend beaucoup parler de ses bienfaits, mais on peut toutefois en venir à se demander si ses intérêts commerciaux surpassent les bienfaits qu’elle apporte. C’est sur ce sujet que va nous entretenir le conférencier de ce soir, Jean-Claude St-Onge, qui a écrit un livre : L’envers de la pilule, les dessous de l’industrie pharmaceutique, dans lequel il aborde les enjeux sociaux et économiques reliés aux entreprises pharmaceutiques.
Qu’est-ce qui a amené Jean-Claude St-Onge, un philosophe, à donner une conférence sur l’industrie pharmaceutique ? St-Onge fait d’abord remarquer que, selon lui, le but du philosophe est de développer un esprit critique, ce qui le rapproche de la démarche des Sceptiques du Québec. De plus, comme plusieurs autres citoyens, il s’est interrogé sur l’avenir de notre système de santé. Il a d’ailleurs déjà écrit sur le système de santé québécois dans d’autres publications; il a par exemple rédigé une critique du plan de santé de l’ADQ. C’est ainsi qu’il en est venu à remarquer que la part des médicaments augmente deux fois plus rapidement que l’ensemble des dépenses dans le domaine de la santé, ce qui, croit-il, ne tardera pas à remettre en question l’existence même de notre système de santé. Il a ensuite eu l’occasion de rencontrer un des plus grands pharmacologues québécois – celui-ci a toutefois requis l’anonymat – qui lui a fourni des tonnes d’informations à partir desquelles il a pu produire son livre L’envers de la pilule.
St-Onge nous apprend que l’industrie pharmaceutique s’avère être l’industrie la plus rentable au monde depuis plusieurs années. Ainsi, en 2002, sur les 500 plus grandes entreprises listées dans le magazine Fortune, dix sociétés pharmaceutiques ont eu des profits plus élevés que l’ensemble des autres entreprises. Et l’année 2002 ne fait pas exception : depuis les trente dernières années, les sociétés pharmaceutiques ont toujours été au premier ou deuxième rang de ce classement en ce qui a trait aux profits, sauf pour 2004-2005 où elles sont descendues au troisième rang, dépassées par les sociétés pétrolières. L’an dernier, le congrès américain a même dénoncé les profits abusifs des compagnies pharmaceutiques. St-Onge en conclut donc que l’industrie pharmaceutique n’est pas une industrie à risque, contrairement à ce qu’a déjà affirmé Julie Boulet, ex-ministre de la Santé.
St-Onge identifie deux raisons principales qui expliquent les profits aussi importants des industries pharmaceutiques :
Les sociétés pharmaceutiques profitent du fait qu’elles ont un marché captif, ce qui leur permet de jouer à leur guise avec le prix des médicaments. Ainsi, la vincristine, un produit utilisé pour traiter le cancer, se vendant dans le tiers-monde 2671 $ / mg est offerte à Amsterdam à 1,58 $ / mg par un organisme sans but lucratif. D’un autre côté, la trithérapie, traitement pour le sida, coûte moins de 300 $ par année dans certains pays aux moyens plus limités au lieu des milliers de dollars qu’elle en coûte ici.
Les sociétés pharmaceutiques sont également très profitables grâce aux brevets qu’elles ont sur certains médicaments, ces derniers leur conférant un monopole de fait. Il en résulte qu’au Canada les produits brevetés se vendent 2,6 fois plus cher que les produits génériques, alors que les produits génériques canadiens sont déjà 30% plus cher que la médiane des prix de ceux des pays de l’OCDE. Et cette différence de prix est parfois encore beaucoup plus importante. Par exemple, le Valium, qui n’est pas breveté en Italie, s’y vend 46 fois moins cher qu’en Grande-Bretagne, où il est protégé par des brevets.
Une autre source d’explication des importants profits, c’est le monopole de certaines compagnies pharmaceutiques. À cause du petit nombre de compagnies, il peut arriver des situations où une compagnie en paye une autre pour qu’elle ne produise pas le générique et ainsi pouvoir vendre son médicament plus cher. Aussi, il y a l’histoire du cartel des vitamines, c’est-à-dire que les compagnies s’entendent pour gonfler artificiellement le prix des vitamines.
Selon notre conférencier, les compagnies pharmaceutiques avancent deux raisons principales pour justifier les prix de leurs médicaments.
D’abord, les sociétés pharmaceutiques affirment qu’il en coûte très cher pour amener au marché de nouveaux produits. En 2001, elles ont estimé ce coût à 802 millions de dollars, puis à environ 1 milliard de dollars en 2005. Plusieurs enquêtes indépendantes n’arrivent toutefois pas aux mêmes résultats. Ainsi, déjà en 1990, le Congrès américain a enquêté et est arrivé à 15 % du coût que l’industrie affirmait à l’époque. Puis, en 2001, le Groupe de Recherche en Santé aux États-Unis, cofondé par Ralph Nader, emploie la même méthodologie que le Congrès avait utilisée une dizaine d’années auparavant et arrive aux mêmes conclusions : il n’en coûte pour amener au marché un nouveau médicament que 14 % à 15 % de ce que prétend l’industrie. On se penche alors sur les calculs des compagnies pharmaceutiques, et on réalise que les 802 millions de dollars ne tiennent pas compte des crédits d’impôt dont jouissent ces compagnies (pour chaque dollar dépensé, les compagnies pharmaceutiques américaines récupèrent 34 cents en crédit d’impôt). On prend toutefois en considération le coût d’opportunité du capital, c’est-à-dire les profits que les compagnies pharmaceutiques auraient faits si elles avaient investi leurs fonds ailleurs au lieu de les utiliser pour la recherche. Ce coût d’opportunité du capital est estimé à lui seul à 400 millions de dollars. Enfin, on note dans les calculs des compagnies pharmaceutiques une surestimation des coûts des essais cliniques. Sur ce point, M. St-Onge nous invite à consulter son livre pour de plus amples détails.
Le conférencier souligne que la situation est semblable au Québec, sauf que les crédits d’impôt offerts sont beaucoup plus importants que ceux des États-Unis. Ainsi, pour chaque dollar dépensé en recherche au Québec, les compagnies pharmaceutiques reçoivent 80,5 cents en crédit d’impôt. En somme, résume-t-il, ce sont les contribuables qui paient en grande partie pour la recherche, que ce soit par des crédits d’impôt ou par les salaires des professeurs d’université ou des scientifiques dans les centres de recherche.
St-Onge souligne également que les importantes sommes investies en recherche et développement, et utilisées pour la plus grande part pour les essais cliniques, sont tout de même trois fois moindres que celles investies pour le marketing par les mêmes compagnies.
Les compagnies pharmaceutiques expliquent aussi le coût de leurs produits par les investissements importants nécessaires pour fabriquer de nouveaux médicaments qui pourront sauver des vies. Or, certaines recherches du docteur Joel Lexchin au Canada, de la FDA (Food and Drug Administration, un organisme qui approuve et surveille la vente de médicaments aux États-Unis) et de la revue Prescrire en France arrivent à des résultats plutôt surprenants. Ainsi, depuis 1975, ce sont seulement de 3 % à 8,7 % des nouveaux médicaments qui représentent des avancées thérapeutiques significatives. Certains sont uniquement des répliques d’anciens médicaments, tel Zocor qui est une réplique de Lipitor. Souvent, les nouveautés ne sont pas plus efficaces que leurs prédécesseurs. Mais ils sont presque toujours beaucoup plus chers. Par exemple, le Cardizem est un médicament pour contrôler la haute pression et il se vend aux États-Unis 34 fois plus cher que les remèdes classiques, les diurétiques, bien qu’une grande étude nommée ALLHAT ait révélé que les diurétiques sont beaucoup plus efficaces que ce nouveau médicament. Des exemples comme ceux-ci peuvent remettre en question le préjugé favorable que nous avons envers la nouveauté.
En fait, remarque St-Onge, il semble que là où les compagnies pharmaceutiques soient très créatives, c’est pour prolonger la durée de vie... de leurs brevets ! Ainsi, lorsque le brevet de Claritin est arrivé à échéance, la compagnie qui le produisait a décidé de breveter le métabolite de ce médicament, c’est-à-dire ce en quoi se transforme le médicament dans le corps humain, et a ainsi pu mettre sur le marché Clarinex qui a exactement les mêmes caractéristiques. Une histoire semblable s’est produite lorsque le Prilosec est arrivé à échéance. La molécule active dans le Prilosec étant une molécule à image miroir, la compagnie qui l’avait breveté l’a séparé en deux et a breveté la moitié (miroir) de la molécule, à partir de laquelle elle a créé le médicament Nexium, qu’elle a alors pu breveter. Ainsi, Prilosec se vend maintenant 70 cents la pilule, car il n’est plus breveté alors que Nexium, qui est en fait la moitié de Prilosec, se vend 4 dollars la pilule. Et le New York Times affirmait récemment que Prilosec n’était maintenant plus disponible, étant en rupture de stock, ce qui force les patients à se procurer Nexium. Aussi, lorsque le brevet du Prozac est arrivé à échéance, une autre compagnie a voulu effectuer le même stratagème, mais la demi-molécule (miroir) du Prozac s’est avérée dangereuse pour la santé. Les employés de cette compagnie ont donc tout simplement décidé de renommer leur médicament Sarafem et de le vendre pour traiter le syndrome prémenstruel sévère au lieu de la dépression. Cela leur a permis d’obtenir un nouveau brevet, le Sarafem étant un nouveau médicament aux yeux de Santé Canada, car chaque médicament est enregistré pour un usage précis.
St-Onge ajoute plus tard que pour justifier ces prix exorbitants, les compagnies affirment aussi que leurs médicaments sauvent des coûts au système. Selon lui, cela est loin d’être une évidence. Ainsi, il faut traiter environ 250 personnes sur 10 ans à l’aide de l’hormonothérapie pour éviter une seule fracture de la hanche. Ça revient donc à 1 million de pilules prises par 249 personnes inutilement, de quoi payer quelques réparations de la hanche.
Une autre affirmation des compagnies pharmaceutiques, c’est que cela permet d’augmenter l’espérance de vie, ce qui n’est toutefois pas non plus confirmé si facilement. Ainsi, l’espérance de vie aux États-Unis, où la consommation annuelle de médicament est d’environ 654 $ par personne, est de 77 ans alors qu’elle est de 78 ans en Grande-Bretagne, où les habitants consomment trois fois moins cher de médicaments.
Outre le coût des médicaments, un autre aspect inquiétant est l’augmentation constante de leur utilisation. Ainsi, le nombre de représentants pharmaceutiques aux États-Unis a récemment triplé, et la situation est semblable ici. Bien que certains croient que le vieillissement de la population en soit la cause, notre conférencier n’est pas de cet avis. Pour appuyer ses dires, il souligne que le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans est passé de 12 % à 13 % entre 1996 et 2001 (une augmentation d’environ 8%) alors qu’entre 1996 et 2002 le nombre d’ordonnances a augmenté de 40 %, faisant doubler les ventes de médicaments. Ainsi, le vieillissement de la population n’est pas selon lui une raison suffisante à la hausse importante de consommation de médicaments.
Un facteur qui peut expliquer cette hausse se trouve dans une enquête de Santé et Bien-Être Canada, l’ancien Santé Canada. On y révèle que 40% des antibiotiques dans les hôpitaux sont utilisés à mauvais escient. On y met aussi en évidence le fait que plusieurs thérapies médicamenteuses sont prescrites, même lorsqu’elles ne sont pas essentielles. Par exemple, bien que la diète soit reconnue pour être plus efficace pour diminuer le cholestérol, on continue de prescrire des pilules pour parvenir à ce même but. Dans le même ordre d’idées, une étude sur 3000 personnes à risque de diabète de type II sur une durée de 3 ans comparait l’efficacité d’une diète et d’exercice comparativement à la prise d’un médicament. Après 3 ans, 60 % des gens sur la diète et l’exercice n’avaient pas le diabète alors que cette proportion descendait à 30% pour les gens du deuxième groupe. Des résultats similaires ont été observés lors d’études sur les médicaments pour la dépression modérée ainsi que l’hypertension.
Selon Jean-Claude St-Onge, la publicité est aussi responsable d’une certaine augmentation de la consommation de médicaments. Ainsi, les 50 médicaments sous ordonnance les plus annoncés aux États-Unis (contrairement à ce qui se passe au Canada, il est permis aux États-Unis de publiciser des médicaments d’ordonnance) se sont vendus six fois plus que les autres. Pour donner une idée des sommes investies en publicité, il s’agissait de 500 millions pour le lancement du Nexium et 160 millions pour le Vioxx. Même certains essais cliniques sont parfois tournés en publicité. Ainsi, une publicité clamait que 80% des gens qui ont pris Lomotil ont dit que le médicament les a beaucoup aidés. La compagnie ne mentionnait toutefois pas que 75 % des gens ayant pris un placebo ont dit la même chose. St-Onge note que les publicités augmentent systématiquement les effets positifs de leurs médicaments et en diminuent systématiquement les effets négatifs.
Jean-Claude St-Onge présente ensuite un autre facteur selon lui responsable de la surconsommation : la médicalisation des évènements normaux de la vie. Il appuie son idée par plusieurs exemples :
L’idée générale de la médicalisation des événements de la vie se résume par cette idée d’un docteur, cité par St-Onge, qu’il peut survenir deux catastrophes lorsqu’une compagnie fait ses essais sur des médicaments : que celui-ci tue le patient, ou qu’elle… le guérisse ! En effet, un bon médicament est un médicament qu’on prend le plus longtemps possible, préférablement toute sa vie.
St-Onge croit que certains médicaments sont essentiels et donne comme exemples l’insuline, la pénicilline et la morphine, qui ont toutes trois eu des effets positifs immenses. Toutefois, il nous met en garde contre les dangers potentiels d’autres médicaments.
Par exemple, une étude du docteur Tamblyn, de l’université McGill, révèle que 45 % des personnes âgées consomment des médicaments dangereux. Aux États-Unis, on estime que 5% à 8% des hospitalisations sont dues aux médicaments. De surcroît, une étude de l’Association Médicale des Etats-Unis, publiée en 1998, conclut que 106 000 personnes sont mortes à cause des médicaments qu’ils prenaient tout en suivant les indications à la lettre. Ce chiffre, qui est deux fois plus que le nombre de victimes de la guerre du Vietnam du côté américain, ne tient ainsi pas compte des oublis, du non-respect de la posologie, etc. Cela fait donc des médicaments la 4e, 5e ou 6e cause de mortalité aux États-Unis selon diverses études. Une étude semblable en France conclut pour sa part que les médicaments y sont la 4e cause de mortalité.
Un autre effet potentiel des médicaments, et auquel nous pensons rarement, c’est qu’un médicament peut être la cause d’une autre maladie. Ainsi, le CRS-USA dénombre 129 médicaments pouvant causer une dysfonction sexuelle, 40 le Parkinson, 35 l’insomnie, 166 la dépression, et la liste est très très longue. Le conférencier présente une anecdote qui illustre bien cet effet potentiel. Un homme de 45 ans présentant des symptômes de dépression est traité pendant quatre ans à l’aide d’antidépresseurs. Tous ses symptômes disparaissent soudainement deux semaines après qu’il ait arrêté de prendre le médicament finastéride, un remède contre la calvitie, qu’il avait commencé à prendre trois mois avant le début de sa supposée dépression.
St-Onge souligne que certains médicaments ont des effets si négatifs qu’ils doivent être retirés du marché après leur mise en vente. De tels retraits de médicaments sont en hausse importante. Ainsi, au Canada, 39% des retraits qui ont eu lieu depuis 1945 ont eu lieu dans la dernière décennie. De l’autre côté de la frontière, la situation est semblable : on retirait du marché américain 1,5 % des médicaments au début des années 90 et cette proportion est passée à 5,3 % à la fin des années 90. Le Dr David Graham, directeur adjoint de la FDA, estime qu’il y a présentement 5 médicaments dangereux sur le marché, dont l’Accutane (contre l’acné), le Bextra (qui vient d’ailleurs d’être retiré du marché), le Crestor (pour contrôler le cholestérol) et le Meridia (un médicament pour maigrir qui se vend si cher qu’il en coûte environ 300 $ pour perdre une livre). St-Onge ajoute que le Dr Graham souligne aussi qu’on n’est pas prémuni contre un autre incident semblable à celui du Vioxx. Rappelons que le médicament Vioxx vient d’être retiré du marché après avoir possiblement causé entre 88 000 et 139 000 crises cardiaques, dont 30% à 40% de celles-ci mortelles, ce qui correspond à 10-18 fois le nombre de victimes de l’attentat du World Trade Center.
On peut expliquer ce nombre croissant de retraits par la plus grande facilité avec laquelle les compagnies font approuver de nouveaux médicaments. Ainsi, une enquête interne de la FDA révèle que 18% des chercheurs de l’organisation ont subi des pressions pour approuver des médicaments qu’ils ne désiraient pas approuver. Encore plus inquiétant : 36 % des chercheurs ont modérément ou pas du tout confiance dans les médicaments approuvés, et les deux tiers des chercheurs croient que la surveillance postmarketing est inadéquate. Dans ce même ordre d’idées, l’Association Médicale Canadienne a déjà défini la relation entre les chercheurs et l’industrie pharmaceutique comme une danse risquée avec un porc-épic.
Contrairement à ce qu’on serait porté à croire, la FDA et Santé Canada ne font pas eux-mêmes les essais avant d’approuver les nouveaux médicaments, mais se contentent de vérifier si ceux-ci ont été faits correctement. En outre, pour que leurs produits soient approuvés, les compagnies pharmaceutiques n’ont qu’à prouver qu’ils offrent de meilleurs résultats qu’un placebo, et n’ont en aucun cas à les comparer aux anciens produits déjà sur le marché.
Le travail de ces deux organismes est d’autant plus difficile qu’ils se trouvent souvent en conflit d’intérêts. Ainsi, depuis 1992 aux États-Unis et 1993 au Canada, 70% du budget de la FDA et DPP (Direction des Produits Pharmaceutiques) respectivement provient des compagnies pharmaceutiques. Celles-ci obtiennent en échange une accélération du processus d’acceptation des médicaments, ce qui expliquerait en partie l’augmentation drastique des retraits au cours de la dernière décennie. De plus, environ la moitié des experts de la FDA et de la DPP ont des intérêts financiers directs dans les médicaments qu’ils doivent examiner.
Aussi, bien que la FDA et la DPP soient sensées s’assurer que les essais sont effectués selon les normes, on peut s’interroger sur la validité de leurs résultats, sachant que les essais cliniques faits par des organisations de recherche contractuelles payées par des compagnies pharmaceutiques sont 4 fois plus susceptibles de donner des résultats positifs que ceux faits par des chercheurs indépendants. D’abord, il apparaît que les segments de la population les plus susceptibles d’utiliser des médicaments, c’est-à-dire les femmes, les personnes âgées et les enfants, soient sous-représentés lors des essais cliniques. Il semble aussi qu’il y ait plusieurs essais au cours desquels les résultats auraient été truqués. Par exemple, le Paxil est un médicament qui a été mis en vente au coût de 50$ en 2002-2003. Le Journal de l’Association médicale canadienne a par la suite mis la main sur les données internes des essais effectués montrant que lors du premier essai ce médicament n’avait pas un meilleur effet qu’un placebo, et lors du deuxième essai le placebo était même meilleur que le Paxil. En effet, les jeunes sur Paxil étaient plus susceptibles d’avoir des idées suicidaires que ceux qui prenaient le placebo. Le Vioxx, petit frère de Celebrex annoncé comme une avancée médicale, est un autre bon exemple. Seize chercheurs à l’emploi de cette compagnie avaient publié dans le Journal de l’Association Médicale Américaine des données selon lesquelles ce médicament était meilleur que les anciens anti-inflammatoires et sans effets négatifs. On a par la suite découvert qu’ils avaient supprimé les données des 6 à 8 dernières semaines des essais, car à partir de la 65e semaine les effets nocifs de ce médicament deviennent aussi importants que ceux des anciens anti-inflammatoires.
Le conférencier souligne également que les compagnies pharmaceutiques n’aiment pas du tout que l’on critique l’efficacité ou l’innocuité de leurs médicaments. Ainsi, rapporte St-Onge, une chercheuse employée par une compagnie pharmaceutique pour comparer leur produit, le Synthroid, aux génériques, découvre à son grand étonnement que les génériques sont plus efficaces que ce médicament. Son employeur l’empêche toutefois de publier ses résultats pendant 7 ans, 7 années durant lesquelles les gens continuent de se procurer le Synthroid à fort prix. De même, une chercheuse, employée par le gouvernement ontarien pour comparer Prilosec à un produit moins cher pour traiter les brûlures d’estomac, a reçu une lettre de la compagnie produisant Prilosec pour tenter de l’empêcher de transmettre ses résultats à la communauté scientifique, car sa conclusion était que le médicament moins cher est plus efficace. Voici encore un autre exemple de tels conflits d’intérêts : un chercheur du Centre de Toxicomanie et de Santé Mentale de Toronto présente une conférence dans laquelle il explique que tous ne réagissent pas aussi bien aux nouvelles générations d’antidépresseurs. Ce centre attend toutefois au même moment une subvention de 1,5 million de dollars de la compagnie fabriquant Prilosec, un antidépresseur de cette génération. Le chercheur du centre est congédié trois jours après sa conférence, mais on se garde bien de confirmer le lien de cause à effet entre ces deux événements. Enfin, il y a aussi l’histoire de Nancy Olivieri qui, alors qu’elle teste un médicament contre la thalassémie, une maladie du sang, se rend compte que celui-ci est non seulement moins efficace que prévu, mais aussi plus toxique. Elle avertit donc immédiatement ses patients, mais elle a par la suite des ennuis à cause de ce geste, étant donné qu’elle avait signé une clause de confidentialité avec la compagnie.
Les professionnels de la santé ne sont pas toujours parfaitement objectifs non plus. Un journaliste de la Presse, André Noël, a récemment mis à jour le fait que les pharmaciens reçoivent 500 millions de dollars en ristournes annuellement, celles-ci étant en bout de ligne payées par nous, les consommateurs. Cela peut se faire, par exemple, sous la forme de voyages. Ainsi, certains pharmaciens ont été invités à un voyage de 10 jours en Italie pour éducation médicale continue lors duquel ils n’ont eu qu’une seule conférence de 3 heures le premier jour. De même, Travel for Knowledge offre à tous les médecins qui signent plus de 50 prescriptions de leur médicament un voyage familial aller-retour vers la destination de leur choix aux États-Unis.
Après toute cette analyse, la conclusion de notre conférencier c’est que les pilules sont vitales, mais que malheureusement trop souvent ce qu’elles soulagent ce sont nos goussets.
Quelqu’un fait remarquer que presque toutes les personnes qui prennent un médicament ont entendu des informations négatives sur celui-ci ce soir. On s’interroge donc sur les possibilités qui s’offrent à nous pour se renseigner adéquatement, puisqu’il semble que les pharmaciens et les médecins ne soient pas toujours objectivement informés. Jean-Claude St-Onge nous suggère d’abord de toujours demander à notre pharmacien les pages bleues du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques sur notre médicament, car il contient la liste des effets indésirables possibles de celui-ci. Il nous invite aussi à consulter le site Web de la DPT (Direction des Produits Thérapeutiques) et de son équivalent américain, la FDA (Food and Drug Administration), car ils contiennent beaucoup de renseignements sur les médicaments approuvés et leurs effets indésirables. Un autre site Internet digne de mention est celui du Health Research Group de l’organisme US Citizen mis sur pied par Ralph Nader, candidat à la présidence américaine. Il contient une tonne d’informations fiables dont tout le pedigree de chaque médicament.
Quelqu’un fait remarquer ceci : les soins de santé étaient autrefois prodigués par des communautés religieuses partageant des valeurs de générosité et de dévouement sans bornes, ils sont maintenant l’affaire de compagnies cotées en bourses. On ne peut pas s’attendre d’une attitude similaire de compagnies dont l’objectif principal est de satisfaire leurs actionnaires. Par exemple, cette personne connaît une optométriste dont l’étude a conclu qu’il suffit de quelques secondes au four micro-onde pour désinfecter des lentilles cornéennes. Cette étude n’a toutefois pas été publiée puisqu’il n’y a là aucune possibilité de vente pour les compagnies. C’est donc, déduit cette personne, à l’État de jouer un certain rôle de contrôle. Si, par exemple, on ne paye pas de chercheurs indépendants pour étudier les nouveaux médicaments, il ne faut pas être surpris de constater par la suite plusieurs incidents tels que ceux décrits par le conférencier.
Jean-Claude St-Onge croit, lui aussi, que l’État doit avoir et a une responsabilité. Il est d’ailleurs possible de poursuivre le gouvernement au sujet de médicaments et Santé Canada fait face en ce moment à 100 milliards de dollars de poursuite, notamment dans le dossier du sang contaminé. Il ajoute que des contrôles existent, mais qu’ils ne sont pas suffisants. Ainsi, aux États-Unis, le principe de précaution régissant l’approbation de nouveaux médicaments a été remplacé par celui de gestion des risques, ouvrant la porte à plus d’incidents comme celui du Vioxx. Toutefois, il croit que les sociétés pharmaceutiques, à cause de leurs moyens beaucoup plus importants, ont une responsabilité beaucoup plus importante.
Tous ne sont pas d’accord avec cette dernière idée et ne sont pas certains que nous devions blâmer les compagnies pour les lois mises en place. Le conférencier fait alors remarquer que le gouvernement et l’industrie pharmaceutique sont très liés; il y a d’ailleurs 682 lobbyistes de l’industrie pharmaceutique à Washington. De plus, Donald Rumsfeld a été président des compagnies pharmaceutiques Pharmacia et Searle & CO et Bush père et le vice-président Dan Quayle étaient tous deux sur le conseil d’administration de grandes compagnies pharmaceutiques. De notre côté de la frontière, ajoute-t-il, un candidat défait à la chefferie du parti Libéral avait reçu des contributions de toutes les compagnies pharmaceutiques.
Sur cette idée de l’étendue du contrôle des compagnies pharmaceutiques, quelqu’un demande au conférencier s’il a déjà eu des menaces de l’industrie depuis la parution de son livre. Celui-ci répond qu’il a déjà eu une lettre d’intimidation d’une grosse compagnie pharmaceutique. C’était à la suite d’un article de journal dans lequel il avait été mal cité à propos d’un produit qu’il aurait dit être retiré du marché alors que c’était faux.
Quelqu’un se désole d’un manque d’esprit critique inquiétant de la part de certains professionnels de la santé. Il cite en exemple le cas de psychiatres qui, lors de congrès financés par des compagnies pharmaceutiques, sont peu intéressés à connaître le processus de mise en marché du médicament, et ne demandent qu’à se faire dire qu’il fonctionne. Il souligne toutefois que la communauté scientifique a agi admirablement en soutenant la Dre Olivieri et que de tels gestes diminuent l’influence des compagnies pharmaceutiques.
On s’interroge aussi sur le rôle des pharmaciens. Certains ont peur que ceux-ci, en offrant des loyers gratuits aux médecins et des ristournes sur certains médicaments, en viennent à contrôler dans un proche avenir les soins de santé. On s’inquiète des mesures prises pour contrer de telles situations. St-Onge note que la RAMQ (Régie de l’Assurance Maladie du Québec) est au courant de la situation et que plusieurs compagnies pharmaceutiques sont en procès à ce sujet en ce moment. Il ajoute qu’à l’Ordre des Pharmaciens, les avis sont mitigés : un des deux candidats à la présidence aux dernières élections s’est prononcé contre de tels gestes alors que l’autre affirme qu’il n’y trouve rien de mal. On note que le Bureau de l’Ordre des Professions a émis un reproche récemment à l’Ordre des Pharmaciens pour leur laxisme face au système de ristournes et au monopole des pharmacies dans certains centres de soins de longue durée.
Quelqu’un souligne qu’une dizaine de revues scientifiques se sont responsabilisées en exigeant de leurs auteurs qu’ils précisent quelles compagnies pharmaceutiques ont financé leurs études. St-Onge souligne que cette initiative a du mérite, mais qu’une récente étude du Los Angeles Times a conclu que 30 % ou 40 % des scientifiques avaient tout de même omis de déclarer à ces revues leurs conflits d’intérêts. Dans le même ordre d’idées, ajoute-t-il, on exige maintenant des compagnies pharmaceutiques qu’elles déclarent tous les essais cliniques qu’elles font, mais certaines contournent cette loi en déclarant les tests sans spécifier les médicaments auxquels ils se rapportent.
Jean-Claude St-Onge affirme qu’il y a une prise de conscience graduelle des citoyens des problèmes du réseau de santé aux États-Unis, en France et ici. Ainsi, aux États-Unis, seulement 13,5 % des gens considèrent que les compagnies pharmaceutiques sont honnêtes. Certaines compagnies d’assurances commencent aussi à se questionner à ce propos.
On fait remarquer que les consommateurs ont une certaine responsabilité eux aussi et qu’ils peuvent agir, que ce soit en s’informant par eux-mêmes ou en n’adoptant pas certains comportements, comme exiger certains médicaments publicisés, lors d’une visite médicale. On ajoute qu’il faudrait aussi changer cette philosophie selon laquelle les médicaments auraient pour but de contrer les dangers pour la santé de certains plaisirs de la vie. Il est illogique de prendre un remède pour le mal de tête juste avant un verre de vin, ou des pilules pour le cholestérol tout en continuant à s’empiffrer de fromage double crème.
Quelqu’un parle d’actions collectives et fait référence à une pétition vue sur Internet pour bannir un certain médicament. Notre conférencier confirme qu’il existe plusieurs pétitions semblables sur le site de Worst Pills Best Pills. Il y a eu sur ce site des pétitions contre les médicaments Bextra, Vioxx, Rezulin, et Redux qui ont tous par la suite été bannis et on y trouve en ce moment des pétitions pour bannir Celebrex et Dextrol.
Quelqu’un affirme que si un médicament est meilleur qu’un placebo de façon statistiquement significative, même si cet écart est infime, on n’a pas le choix au plan éthique de l’approuver, car il pourrait sauver quelques vies. St-Onge réplique que tout ce qu’il demande c’est que le médicament soit comparé à ceux qui sont déjà sur le marché. On discute alors de la valeur des essais cliniques et du fait qu’ils constituent en fait uniquement une simulation de la réalité. Le conférencier explique que les essais se déroulent sur trois phases. Lors de la première, le médicament est testé sur quelques volontaires, puis lors de deuxième phase il y a environ 100 à 200 cobayes et enfin lors de la troisième phase il est testé sur 1000 à 3000 personnes. Quelqu’un s’inquiète du fait que ce sont habituellement des hommes âgés de 18 à 45 ans, en bonne santé et non-fumeurs que les compagnies recherchent pour leurs essais alors qu’ils ne constituent pas la population visée par le médicament. St-Onge est aussi d’avis que les essais cliniques sont un peu biaisés. Ainsi, affirme-t-il, puisqu’on se doutait que le Viagra avait des effets sur le cœur, on a éliminé dans les essais les gens avec des problèmes cardiaques. Mais, ajoute-t-il, serait-il éthique d’inclure des gens pour qui on sait que le médicament présente de graves risques dans les essais ?
On s’inquiète aussi du fait que les essais ne peuvent pas mettre à jour les possibles effets à long terme des médicaments. Effectivement, affirme St-Onge, les essais ne durent souvent pas assez longtemps. Ainsi, les essais sur les antidépresseurs se font sur une période de douze semaines. Souvent, les études plus longues donnent des résultats différents de ceux de courtes études. Par exemple, une étude publique d’une durée de cinq ans a finalement conclu que l’hormonothérapie ne protégeait pas du cancer du sein tel qu’on le croyait. Mais parfois, même cinq ans ne seraient pas suffisants pour observer les effets secondaires. Ainsi, le DES (Diéthylstilbestrol) a été prescrit à des femmes enceintes durant 20 à 30 ans avant qu’on réalise que les filles de ces femmes avaient un taux beaucoup plus important de cancer du vagin et que leurs fils souffraient davantage de malformations de l’appareil génital.
Quelqu’un fait la remarque que certaines compagnies brevettent des trucs dans des pays du tiers-monde et que la prolifération des brevets met des limites très grandes sur l’ensemble du système de recherche scientifique. St-Onge répond que d’un côté les brevets servent à faire avancer la science, car ils fournissent aux compagnies les fonds nécessaires pour continuer leurs recherches, mais de l’autre ils limitent en même temps la circulation de l’information. Il ajoute d’ailleurs que les néo-libéraux les plus fanatiques sont contre les brevets, car ils empêchent la circulation de l’information, les banques de données privées étant très chères à consulter et beaucoup mieux nanties que celles qui sont publiques. Pour illustrer l’étendue de la situation, St-Onge ajoute qu’on a déjà breveté le cordon ombilical de nouveaux nés ainsi que les gènes d’un homme d’une tribu Agaie, alors que l’inventeur des rayons X et celui du vaccin contre la polio avaient tous deux refusé de breveter leurs produits pour favoriser l’évolution de la science.
Quelqu’un affirme qu’il faudrait aussi adresser quelques mots favorables à l’industrie pharmaceutique, car sans eux on en serait encore aux tisanes pour se soigner. Cette personne tient à apporter quelques commentaires sur le cas de trois médicaments en particulier.
D’abord, elle affirme que les médicaments pour le cholestérol sont plus utiles que St-Onge l’a laissé entendre car, bien qu’aidante, la diète a ses limites puisque 80 % du cholestérol est fabriqué par le foie et qu’on ne peut contrôler que les 20 % restant en modifiant notre alimentation.
Puis, cette personne aborde le cas du Cardizem. Elle est d’avis que, bien qu’ils soient efficaces, les diurétiques présentent quand même des inconvénients que n’a pas le Cardizem. Par exemple, les diurétiques ne sont pas appropriés pour les gens souffrant de diabète. Elle ajoute que la valeur monétaire des avantages du Cardizem reste toutefois à discuter.
Enfin, elle a plusieurs commentaires sur le cas du Vioxx. Bien que ce problème semble scandaleux, elle explique que les essais ont été faits chez des jeunes à qui le Vioxx était prescrit pour une période d’environ trois semaines pour traiter des tendinites. Les problèmes ont été découverts quand le médicament a été prescrit aux personnes âgées, une population chez qui la fréquence des infarctus et maladies cardiaques est déjà élevée. Toutefois, ajoute-t-elle, on a attribué cette hausse des infarctus au fait que la plupart des autres anti-inflammatoires empêchent l’agrégation plaquettaire, ce qui réduit le risque d’infarctus, alors que le Vioxx n’a pas cet effet protecteur. Les effets du Vioxx n’ont été constatés que plus tard alors qu’on étudiait son effet protecteur de la polypose familiale, une étude à plus long terme. De plus, conclut-elle, la plupart des autres anti-inflammatoires causent des problèmes gastriques qui peuvent s’avérer mortels, donc si le Vioxx est assez dangereux pour être retiré du marché, il en est de même pour tous les autres anti-inflammatoires.
Jean-Claude St-Onge n’est pas d’accord avec cette version de l’histoire du Vioxx. Il affirme que c’est faux que les effets du Vioxx n’ont été découverts que lors de l’étude sur les polypes. En 1999, il y a eu une étude de 9 mois pour comparer le Vioxx au Naproxen et il y a eu 20 crises cardiaques, AVC et autres parmi les 4047 personnes qui prenaient Vioxx et seulement 4 tels problèmes parmi un même nombre de personnes sur Naproxen. Puis, alors qu’il n’y avait aucune évidence pour une telle affirmation ajoute-t-il, on a dit que Naproxen avait un effet cardioprotecteur, ce qui a par la suite été prouvé faux. En outre, soutient St-Onge, le taux de mortalité du Vioxx est plus élevé que celui des anciens anti-inflammatoires et ses effets indésirables sont de beaucoup supérieurs, bien que le Vioxx soit vendu 13 fois plus cher aux États-Unis et 4 fois plus cher au Canada. Ainsi, alors que 30% à 40% des crises cardiaques sont mortelles, seulement 5% des problèmes gastriques causés par les anti-inflammatoires sont fatals.
Abordant de nouveau le sujet de la médicalisation des étapes de la vie, quelqu’un interroge St-Onge sur la différence au niveau des principes entre prendre des médicaments ou porter des lunettes lorsque notre vue baisse en vieillissant. Le conférencier répond que le principe est le même, mais que la différence est que tous les médicaments sans exceptions ont des effets secondaires, dont certains qu’on ne connaît pas.