LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

Dictionnaire

Enquêteur paranormal

«Résoudre des mystères et comprendre le monde qui nous entoure nécessite du temps, des efforts et un bon travail d'enquête»
Ben Radford
 

Personne qui enquête à propos de la présence de fantômes, de démons, d'esprits, d'extraterrestres, de monstres marins, de chupacabras et autres choses «bizarres et étranges». (L'Association for the Scientific Study of Anomalous Phenomena (ASSAP) dresse une liste de 45 sujets d'enquête. Le Dictionnaire sceptique en compte plus d'une cinquantaine.) L'enquêteur paranormal se distingue du parapsychologue, ou chercheur psi en laboratoire, quoique certains enquêteurs paranormaux font également du travail de laboratoire.

Sur le terrain ou à distance

Certains enquêtent sur le terrain, tandis que d'autres préfèrent travailler de leur bureau, et lire les rapports de ceux de leurs collègues qui se rendent sur les lieux concernés. Le travail de bureau est essentiel, puisqu'on ne peut aller partout où il y a matière à enquête. Pour obtenir un tableau complet des enquêtes menées sur des événements dits paranormaux, il faut se fier sur les rapports d'autrui, même lorsqu'on travaille soi-même sur le terrain.

Vrais croyants, démystificateurs et négateurs

Quelques personnes acceptent ou rejettent les conclusions des enquêteurs paranormaux sans enquêter sur place ni étudier les rapports de ceux qui le font. Il peut s'agir soit de «vrais croyants», soit de «négateurs». Il est sans doute juste de qualifier de «vrai croyant» celui ou celle qui tient pour vrai les témoignages à propos de fantômes ou de monstres marins sans avoir mené d'enquête ni étudié de rapports à ce sujet. Par contre, on se trompe en appelant «démystificateur» la personne qui rejette ce genre d'affirmations sans effectuer d'enquête ni lire les rapports qui en traitent. Démystifier, c'est détromper les victimes d'une mystification, montrer en quoi ce qu'on tenait pour vrai est faux ou différent de ce que l'on pensait. Nier n'est pas démystifier, et ceux qui adoptent une telle conduite devraient plutôt s'appeler «négateurs». La démystification vient le plus souvent après enquête, quand on est en mesure d'établir les faits véritables entourant l'apparition d'un fantôme ou d'un monstre marin. Même l'enquêteur en pantoufles peut démonter les cas les plus mystérieux après avoir étudié les rapports dressés par ses collègues sur le terrain.

Depuis des milliers d'années circulent des récits à propos de phénomènes étranges, et on enquête sur eux depuis de nombreuses années, sans avoir encore trouvé de preuves concluantes que les fantômes, par exemple, existent. Quiconque connaît les histoires de fantômes et de lieux hantés et a étudié des rapports d'enquêteurs paranormaux pourrait avoir tendance à rejeter sans enquête personnelle les affirmations voulant qu'un fantôme ait été vu, ou qu'un esprit malin hante une maison. En effet, comme il n'y a aucune preuve scientifique que les fantômes, monstres marins, esprits ou extraterrestres existent, les chances qu'un signalement quelconque soit vrai demeurent minces. L'attitude du négateur semble donc plus raisonnable que celle du vrai croyant, qui accepte la véracité de ce qu'on lui raconte sans la moindre vérification. On ne devrait pas prétendre savoir que les fantômes n'existent pas, pas plus qu'on ne devrait affirmer savoir avec une certitude absolue qu'une enquête sur un lieu hanté ne pourra pas aboutir à une explication naturelle ou surnaturelle. Même un négateur devrait reconnaître la possibilité que la prochaine histoire de fantôme dont on entendra parler soit vraie, même si la chose demeure fort improbable.

Qualité variable des enquêteurs

Comme on l'a déjà dit, il y a beaucoup de sujets sur lesquels un enquêteur peut se concentrer. L'un des domaines les plus populaires ces temps-ci demeure les fantômes et les lieux hantés. Ceux qui se penchent sur ce type de cas se prétendent scientifiques et sceptiques, mais un coup d'œil rapide à leurs sites Web ou aux émissions télé sur la chasse aux fantômes, les revenants ou les esprits montre que cette affirmation ne vaut pas grand-chose.

Il y a des centaines, peut-être des milliers d'enquêteurs, en groupes ou non, de par le monde. Une recherche du terme «paranormal investigator» dans Google le 15 avril 2010 a donné 686 000 résultats. Plusieurs émissions de télé populaires aux É.-U. portent sur des gens qui enquêtent à propos de lieux dits hantés. Un enquêteur scientifique n'entame pas son travail en pensant que l'endroit sur lequel il enquête est hanté. On fait enquête pour en apprendre plus long sur ce qu'affirme autrui, de même que pour tenter de découvrir la ou les causes d'événements apparemment paranormaux. L'objectif ne devrait pas être de confirmer ni d'infirmer l'existence de quoi que ce soit.

Même la police s'y met. Larry Potash, de WGN à Chicago, a raconté que certains agents de police de la ville travaillent comme détectives métapsychiques durant leurs loisirs; ils troquent leurs armes de service pour des détecteurs de champs électromagnétiques et des caméras à infrarouge pour enquêter sur des lieux qu'on suppose hantés. L'un d'eux affirme que les revenants dégagent une énergie que peuvent capter des détecteurs de champs électromagnétiques. A-t-il lu ça dans le manuel d'instruction de l'appareil? Pourquoi ne pas employer un hygromètre? Peut-être que les fantômes dégagent de l'humidité... Ou bien une boussole? Les esprits créent peut-être des champs magnétiques qui pointent vers le nord! Les agents semblaient méconnaître le fait que les systèmes de communication utilisés par la police, de même que bien d'autres facteurs, peuvent avoir un effet sur leurs détecteurs.

On peut hocher la tête quand des hommes d'âge mûr - des agents de police - perdent leur temps à courir après des apparitions, mais les choses deviennent franchement décourageantes quand on constate qu'ils le font avec la bénédiction de leurs chefs. Quand on a rappelé aux policiers comme à leurs supérieurs que devant les tribunaux on pourrait remettre en question la crédibilité de témoignages venant de chasseurs de fantômes, le patron des policiers en question s'est contenté de dire qu'on verrait en temps et lieu.

WGN a fait plus que soulever des questions sur le travail des détectives métapsychiques et sur les effets négatifs qu'une telle activité pourrait avoir sur la confiance du public envers ses policiers, elle a fait intervenir James Underdown, du Independent Investigations Group, afin qu'il montre de quelle autre façon on peut enquêter sur le paranormal. Underdown compte sur son sens critique, outils bien plus précieux que n'importe quel détecteur, et cherche des explications naturelles aux courants d'air mystérieux, aux portes qui se referment toutes seules et aux bruits étranges.

Les flics de Chicago semblent sincèrement croire en la validité de leurs enquêtes, et ils sont prêts à subir des moqueries pour leurs activités, du moins tant que leur patron les couvrira, mais ils ne contribuent nullement à donner une bonne réputation aux enquêtes sur le paranormal.

L'enquêteur scientifique

L'enquêteur scientifique aborde son activité avec un esprit ouvert. Il rassemble et examine autant d'éléments de preuve qu'il est raisonnable de le faire, crée des hypothèses et tente de les réfuter. Oui, le scientifique tente de réfuter, et non de valider ses hypothèses. Chercher à valider ses hypothèses, c'est courir le risque de succomber au biais de confirmation, et de ne chercher que ce qui correspond à ce que l'on croit, tout en laissant de côté systématiquement les preuves contraires. Afin de garder l'esprit ouvert, le scientifique, comme tout bon détective, ne doit pas formuler d'hypothèses trop tôt, car nous avons tous tendance à vouloir confirmer nos hypothèses plutôt qu'à les infirmer. À moins d'avoir de la chance et de tomber sur la bonne réponse du premier coup, on risque d'en arriver à un ensemble de preuves convaincantes pour une théorie dénuée de fondement. (L'étude du profilage des criminels donne de bons exemples du danger que représente la formation d'hypothèses trop tôt au cours d'une enquête.) On ne saurait trop insister sur l'importance qu'il y a à rassembler des données pertinentes à l'enquête de façon à ce que nos biais ne nous portent pas à nous détourner de pistes prometteuses.

L'enquêteur scientifique connaît également l'utilisation et les limites de la technologie qu'il emploie. Ses principaux outils devraient être la pensée critique et une bonne dose de scepticisme. S'il emporte avec lui une caméra ou un enregistreur, c'est à des fins de documentation, et non comme outils d'identification d'«esprits» ou de «démons». Quand on utilise un appareil de mesure quelconque, on doit effectuer des lectures à des heures et des jours différents. Un vrai scientifique cherche d'abord à écarter toute explication naturelle et évidente des phénomènes paranormaux. Quand une porte se referme derrière lui, il ne pense pas «fantôme de grand-maman»; il pense plutôt au vent ou à la gravité. Quand des coups ou des grattements se font entendre dans la pièce du haut, il ne pense pas «esprit d'un visiteur autrefois assassiné»; il pense à des écureuils, des rats ou des branches effleurant le toit. Quand survient un changement de température, il ne se dit pas: «Satan est parmi nous»; il pense à un courant d'air ou à une caractéristique architecturale quelconque à étudier. En sentant une présence mystérieuse, il songe à des infrasons plutôt qu'à des revenants. Devant ce qui ressemble à une lumière ou une forme humaine qui se déplace sans cause apparente, il se demande si ce n'est pas son cerveau qui lui joue des tours, et s'il n'y a pas une cause matérielle à ce qu'il perçoit.

L'enquêteur scientifique effectue tout le travail de base nécessaire avant de se rendre sur les lieux de l'enquête, y compris la recherche historique et les entrevues avec des témoins. Un bon exemple nous vient de Ben Radford.

Nous apprenons que l'équipe des chasseurs de fantômes de Ghost Hunters International s'est rendue à Montego Bay, en Jamaïque, pour enquêter sur «un des lieux les plus hantés au monde»: Rose Hall, fréquenté par l'esprit d'une mégère du nom d'Annie Palmer, la «sorcière blanche de Rose Hall».
 
... Annie Palmer est en fait le personnage principal d'un roman jamaïcain célèbre, The White Witch of Rose Hall, publié en 1929 par Herbert G. de Lisser. Il n'y a jamais eu d'Annie Palmer, ressemblant ou non à la sorcière blanche. Pas d'Annie, donc pas de fantôme d'Annie. Rose Hall, la «maison la plus hantée de l'hémisphère» et même «du monde entier» n'est qu'un simple mythe que des enquêteurs négligents ont fait passer pour un fait réel.

Comme l'a déjà dit le psychologue Ray Hyman: n'essayez pas d'expliquer les choses avant de vous être assurés qu'elles ont bel et bien eu lieu.

Quelque personnes ou groupes se sont mérité la réputation d'enquêteurs scientifiques en matière de paranormal: Joe Nickell, Ben Radford, Jan Willem Nienhuys, Richard Wiseman, Chris French, Massimo Polidoro, Luigi Garlaschelli, Karen Stollznow, le Independent Investigations Group, la Skeptical Analysis of the Paranormal Society (SAPS) et une bonne partie de l'Association for the Scientific Study of Anomalous Phenomena (ASSAP). Certains pourraient se rebiffer devant ces exemples, car à l'exception de l'ASSAP, il s'agit de personnes ou de groupes liés à des organisations de sceptiques. Les sceptiques, quant à eux pourraient s'opposer à l'inclusion de l'ASSAP dans la liste en raison de l'histoire de son organisme. Si l'on comprend ce qu'est vraiment un sceptique, autrement dit, si on ne le confond pas avec un négateur, on ne devrait pas hésiter à en inclure dans la liste. Rappelons que tout bon scientifique doit être sceptique; aucun scientifique digne de ce nom ne se retrouvera dans les rangs des négateurs. Le scientifique doit garder l'esprit ouvert; il doit être prêt à se pencher sur des affirmations qui se révèleront sans doute sans fondement et à tester des hypothèses diverses dans la recherche de la vérité. Il faut reconnaître qu'il y a un peu de tout au sein de l'ASSAP. Dans le domaine des fantômes et des lieux hantés, elle semble sceptique et prête à adopter une approche scientifique. Au sujet de choses comme la régression à des vies antérieures, la vision à distance, la résonance morphique (Rupert Sheldrake est membre de l'ASSAP depuis longtemps), l'«opération lightning strike» et autres sujets paranormaux du genre, l'ASSAP penche beaucoup plus du côté des «vrais croyants».

L'enquêteur pseudo scientifique

Certains enquêteurs se montrent si peu critiques et si peu intéressés par la méthode scientifique dans leurs enquêtes qu'ils méritent le vocable de pseudo scientifiques. L'enquêteur pseudo scientifique non seulement omet tout le travail préparatoire, comme la recherche historique, si importante dans une enquête digne de ce nom, mais il oublie également de mettre la pensée critique dans sa trousse d'instruments, où il préfère retrouver toutes sortes de bidules électroniques: des détecteurs de champs électromagnétiques, des gaussmètres, des enregistreurs, des caméras vidéo (y compris celles qui peuvent filmer dans l'infrarouge), des thermomètres, des compteurs Geiger, des moniteurs de rayonnement, des baguettes de sourcier, des tableaux de ouija. Il n'hésite pas non plus à se faire accompagner de médiums. Le pseudo scientifique typique voit les fantômes comme des «esprits», des êtres non physiques qui sont passés du monde naturel au monde surnaturel, ou encore comme des «formes d'énergie» qui existent d'une façon quelconque dans l'espace, indépendamment de tout objet matériel. Il croit établir, par son travail, les preuves d'une vie après la mort. Pourtant, les outils sur lesquels il compte dans le cadre de ses enquêtes sont ridiculement inappropriés à la détection d'esprits ou d'entités immatérielles. Bien qu'il ne soit pas impossible d'imagine une énergie qui se manifeste sous une forme humaine ou animale dans certaines conditions, son existence demeure entièrement spéculative.

Outils et méthodes

Les enquêteurs paranormaux doivent savoir évaluer les données sensorielles et soupeser la valeur des observations ou témoignages. Ils devraient également connaître la nature et les limites de la technologie qu'ils emploient.

L'enquêteur qui a recours aux services d'un médium, personne qui affirme pouvoir déceler la présence d'esprits grâce à une espèce de sixième sens, montre qu'il n'est ni scientifique ni sceptique. Le médium qui lance: «Je me sens épuisé, autant du point de vue émotionnel que physique; on dirait que quelqu'un m'agrippe par les épaules» ne raconte pas forcément des histoires, mais comment savons-nous que ce qu'il éprouve a quoi que ce soit à voir avec des fantômes? Si le médium lui-même croit aux fantômes, c'est peut-être cette croyance qui est la source de ce qu'il éprouve. Malheureusement, nous n'avons aucune façon de tester de façon indépendante le lien entre les sentiments d'un médium et la présence éventuelle de fantômes.

Imaginez le prospecteur d'or qui se fait raconter par une personne se disant sensible aux métaux précieux qu'elle sent la présence du métal jaune dans la colline où notre homme songe à creuser... Sans aucun moyen de juger de la solidité du lien entre la sensation de la personne hypersensible et la présence réelle d'or au creux de la roche, pourquoi aurait-il recours aux services d'un tel auxiliaire? Au mieux, les médiums, tout comme notre personne sensible aux métaux précieux, sont inutiles dans notre quête d'or ou de fantômes.

Certains chasseurs de fantômes emploient des compteurs Geiger dans leurs enquêtes. Il s'agit d'appareils qui détectent les radiations, la conversion d'atomes ou de molécules en ions. Si les fantômes ne sont pas composés d'atomes, ils n'émettent pas de particules subatomiques. Quelles preuves a-t-on que les fantômes sont formés d'atomes? Aucune, que l'on sache. Rien, donc, ne porte à croire qu'un compteur Geiger serait utile pour détecter la présence d'un revenant. Il est particulièrement piquant de voir un tel instrument dans les mains d'un chasseur de fantômes qui croit courir après des entités immatérielles.

Dans la profession, on a parfois recours à des baguettes de sourcier, soit des tiges de bois ou de métal que les sourciers emploient pour trouver de l'eau, de l'or, du pétrole, des balles de golf, etc. Des études sur ce genre de choses ont montré qu'elles ne servaient à rien dans la recherche d'objets physiques, sauf peut-être pour soulever un coin de tapis ou un rideau afin de voir si une pièce de monnaie ne s'est pas glissée derrière. Comment peut-on croire qu'elles peuvent servir à détecter des fantômes?

Beaucoup, sinon la plupart des chasseurs de fantômes emploient des caméras vidéo et des magnétophones au cours de leurs activités. Les enregistrements qui en résultent doivent faire l'objet d'une interprétation, ce qui est particulièrement difficile avec les enregistrements sonores, comme le savent tous ceux qui sont familiarisés avec le fameux phénomène des voix électroniques. On entend quelque chose de vague et de nébuleux, et on l'identifie comme la voix d'un revenant. Ou alors, quelque chose de clair et net, qu'on identifie également comme la voix d'un revenant. Mais comment sait-on qu'il s'agit de la voix d'un revenant? Il ne suffit pas d'établir que les sons sont intelligibles et qu'ils ont été produits par une créature douée d'intelligence, il faut encore en identifier la source. Mais au lieu de rechercher les différentes origines possibles, l'enquêteur pseudo scientifique saute aux conclusions: c'est sûrement un fantôme.

À ceux qui aiment utiliser des caméras vidéo, il faut poser la question: comment peut-on filmer des entités immatérielles ou des formes non précisées d'énergie? Une caméra vidéo, même quand elle peut filmer dans l'infrarouge, semble un outil tout à fait inapproprié, à moins qu'on ne cherche à surprendre un canular ou découvrir une cause bien terre à terre du phénomène étudié. Le rouge correspond aux longueurs d'onde les plus longues du spectre de la lumière visible, mais il n'y a aucune raison de croire qu'un objet capté par une caméra à infrarouges ne soit pas tout à fait matériel et réel.* Les détecteurs à infrarouges servent pour les appareils de vision nocturne. Ils permettent de voir dans l'obscurité totale des choses qui resteraient normalement indétectables à l'œil normal (à moins d'allumer la lumière), mais ils ne donnent pas accès à un autre niveau de réalité.

Qu'en est-il des détecteurs de mouvement? On a vu des enquêteurs en relier à un écran pour surveiller un site à distance. Pour déclencher de tels appareils, cependant, il faut être un objet matériel, alors en quoi un détecteur de mouvement sera utile à un chasseur d'esprits? D'autre part, si l'on croit que les fantômes correspondent à un phénomène physique, on se retrouve avec le problème de déterminer quand le déclenchement de l'appareil est relié à ce phénomène précis, et quand il est dû à d'autres facteurs. En l'absence d'une cause apparente, il est tout bonnement trop facile de déclarer qu'on est en présence d'un fantôme!

Appareil mesurant les champs électromagnétiques

Beaucoup d'enquêteurs ont recours à des appareils mesurant les champs électromagnétiques.* Il est possible de s'en procurer d'assez perfectionnés pour 150 $, quoique la trousse de base du chasseur de fantômes comprend plutôt la version à 50 $. Les versions les plus petites n'ont qu'une portée limitée. Encore une fois, c'est appareils décèlent ce qui est physique, ce qui émet un champ électrique ou magnétique. Si les fantômes produisaient de tels champs, on ne pourrait les distinguer d'autres objets semblables. Donc, si votre fantôme ne se comporte pas comme un téléphone cellulaire, un four micro-ondes, un émetteur-récepteur de la police ou une ampoule électrique, vous ne pourrez le détecter avec votre bidule. D'un autre côté, si votre fantôme ressemble à l'un de ces objets, comment ferez-vous pour le faire ressortir du lot? Enfilez un sarrau de laboratoire pour faire une enquête à propos d'un hôtel hanté, et vous épaterez sûrement la galerie; pourtant, vous seriez bien plus impressionnant en utilisant les outils sur lesquels devrait compter tout bon inspecteur: la pensée critique et la logique.

Dans le milieu des enquêteurs paranormaux, quelques personnes souscriront sans doute à la théorie de Michael Persinger, soit qu'il y a «de l'information véritable au sein de l'environnement» sous forme de radiations électromagnétiques qui provoquent des hallucinations rappelant l'apparition de fantômes. Le cerveau humain ne peut sentir ces rayonnements, mais certains enquêteurs paranormaux pensent qu'un détecteur de champs électromagnétiques peut les révéler. Persinger est un spécialiste de la cognition qui a réussi à provoquer, par stimulation électromagnétique du cerveau, des hallucinations chez plusieurs sujets, y compris Susan Blackmiller et Mary Roach. Selon lui, sa méthode provoque une baisse de la mélatonine dans le cerveau, ce qui mène aux hallucinations. Pour l'instant, il ne s'agit que de spéculations. Persinger pense également que les expériences d'enlèvements par des extraterrestres et les apparitions d'ovnis pourraient être provoquées par des champs électromagnétiques. Il n'y a aucune raison de penser, à l'heure actuelle, que les témoignages au sujet de fantômes sont dus à des phénomènes électromagnétiques capables d'exciter un détecteur. Maurice Townsend présente des arguments très intéressants contre l'utilité de détecteurs de champs électromagnétiques dans les enquêtes sur des phénomènes paranormaux. Lui aussi, par contre, croit à la présence d'informations dans l'environnement susceptibles d'expliquer les apparitions. Il recommande l'emploi d'un magnétomètre, mais de tels appareils sont franchement onéreux (dans les 10 000 $). La présence de champs magnétiques dans l'environnement où se font les apparitions demeure encore l'objet de spéculations. Dans ce domaine, cependant, la recherche scientifique pourrait régler la question au cours des années à venir.

L'une des superstitions les plus communes à propos des fantômes veut qu'ils n'apparaissent que dans l'obscurité ou la nuit. On peut dire que l'on a affaire à un bon enquêteur s'il travaille à la lumière du jour. Au contraire, s'il choisit de n'enquêter que la nuit, toutes lumières éteintes, on doit se demander pourquoi? Quelle preuve a-t-on que les fantômes ou les esprits n'apparaissent que la nuit, dans l'obscurité? On pourrait penser que les chasseurs de fantômes travaillent dans l'obscurité pour la même raison qu'on menait des séances de spiritisme dans le noir total: quand personne n'est capable de voir ce qui se passe au juste, il est plus facile de tromper les gens.

Esprits et technologie

La croyance que les esprits se manifestent de façon physique fait partie de nos superstitions depuis des temps immémoriaux. L'idée que des instruments scientifiques puissent détecter des esprits constitue un développement récent, bien entendu. L'un des premiers détecteurs de fantômes a été inventé en 1854 par le chimiste étasunien Robert Hare (1781-1858). Son appareil, le spiritoscope, devait servir à révéler la fraude chez certains médiums. Grâce à lui, on a pu tester la théorie de Michael Faraday, à savoir que les mouvements musculaires inconscients (action idéomotrice) des participants aux séances faisaient bouger les tables. Hare a fini par se convertir au spiritisme.

 

Spiritoscope

Sa machine n'était pas conçue pour détecter des esprits de façon directe, cependant. Il semble avoir pensé que si elle s'avérait incapable de détecter des mouvements musculaires inconscients chez la personne qui sollicitait un esprit afin qu'il déplace quelque chose, alors cet esprit était bel et bien présent. La technique de Hare est encore employée par certains enquêteurs paranormaux de la télé. Il suffit de placer un objet à l'endroit «hanté» et de demander aux «fantômes» de le déplacer ou de lui faire quelque chose pour prouver sa présence. La méthode vous paraît inepte? C'est sans doute parce qu'elle est.

Un peu plus de science et de scepticisme, s'il vous plaît

De nos jours, les chasseurs de fantômes n'inventent plus de technologie pour détecter les esprits. On préfère le plus souvent utiliser des appareils créés pour tout autre chose, puis affirmer sans état d'âme, non seulement que les esprits ou fantômes se manifestent exactement de la même façon que les objets physiques ordinaires, mais aussi qu'ils savent reconnaître quand les données obtenues indiquent la présence d'un fantôme et quand elles ne le font pas. Il y a là une hypothèse semblable à celle de la présence de psi qu'emploient leurs collègues des laboratoires: ils présument que leurs appareillages réagissent d'une certaine façon à la présence de fantômes; quand les aiguilles s'agitent dans leurs cadrans, quand les voyants lumineux s'allument, un fantôme est présent dans la salle.

Parmi les enquêteurs paranormaux qui ne semblent pas avoir d'approche très scientifique ni sceptique, on retrouve la Paranormal Research Society, à l'origine la Penn State Paranormal Research Society. En 2006, la chaîne de télé A&E s'est mise à filmer ses participants pour une émission intitulée Paranormal U, qui est devenue plus tard Paranormal State. L'émission a remporté assez de succès pour qu'on la copie à de nombreux exemplaires, dans des émissions où la pensée scientifique et critique fait chaque fois figure de parent pauvre. Entre autres groupes, il y a aussi l'Atlantic Paranormal Society, l'American Paranormal Investigations (au premier rang dans Google), Paranormalinvestigators.org (au troisième rang), la Society for Paranormal Investigation, la Virginia Society of Paranormal Education and Research, ALPHA, et des milliers d'autres semblables. La Paranormal Research Society of North America (PRSNA) possède l'adresse Web www.paranormalinvestigators.com/, ce qui lui vaut sans surprise le deuxième rang dans Google. Pour se donner un air de professionnalisme, la PRSNA stipule dans son protocole de recherche

... il est absolument interdit de fumer durant une enquête.
 
... il est absolument interdit de consommer de l'alcool avant ou pendant une enquête.
 
... il est absolument interdit d'employer un ouija ou d'organiser des séances au cours d'une enquête.
 
Nous ne prenons pas de photos dans de mauvaises conditions météo.
 
Nous ne prenons pas de photos à partir de véhicules en mouvement, à cause de la poussière qui peut être soulevée.
 
Les lentilles des appareils de prise de vue sont nettoyées sur les lieux mêmes de l'enquête avant qu'elle ne débute.
 
Il faut retirer les courroies des appareils de prise de vue ou les porter autour du cou.
 
Nous tentons de couvrir tous les miroirs ou toutes les surfaces réfléchissantes se trouvant sur les lieux de l'enquête.
 
En cours d'enquête, les cheveux longs doivent être relevés ou cachés sous un couvre-chef.
 
Les tirages de films 35 mm présentant des anomalies sont toujours comparés aux négatifs.
 
Lorsqu'une photo anormale est prise à l'aide d'un appareil numérique, plusieurs autres clichés sont faits en succession rapide du même point de prise de vue afin d'exclure toute explication naturelle.
 
On doit faire preuve de respect envers les cimetières, champs de bataille et résidences privées en toutes circonstances.
 
Il faut toujours se servir de supports d'enregistrements vierges lorsqu'on cherche à saisir des phénomènes de voix électroniques par des appareils analogiques.
 
On doit garder le silence absolu durant les séances d'enregistrement de voix électroniques, sauf dans le cas de la personne choisie pour poser des questions. Si malgré tout quelqu'un produit un bruit quelconque, on doit en donner l'explication à voix haute pour qu'on puisse identifier le bruit en réécoutant la bande.
 

La PRSNA annonce à la première ligne de la première page de son site Web: «Nous sommes un groupe d'enquêteurs et nous nous penchons sur les phénomènes paranormaux afin de rassembler des données sur les fantômes, dans l'espoir d'en prouver un jour scientifiquement l'existence». Faut-il le répéter? On ne mène pas d'enquête scientifique pour prouver l'existence des fantômes. Un tel objectif va inévitablement biaiser l'enquête.

Un choix au hasard d'enquêteurs paranormaux à partir des résultats obtenus par Google révèle que beaucoup d'entre eux ressemblent au PRSNA. Ils se disent sceptiques et scientifiques, sans aller toutefois au-delà de l'affirmation. La personne désireuse de recourir aux services de tels enquêteurs pourrait avoir de la difficulté à distinguer le scientifique du pseudo scientifique. Bien des enquêteurs ont pour objectif de trouver des clients qui leur demanderont de trouver des fantômes; ils ont donc tout intérêt à se présenter comme des gens sérieux. D'ailleurs, ils sont eux-mêmes persuadés, le plus souvent, de travailler de manière scientifique, même s'ils ne comprennent rien à la science ni aux mathématiques. Pour eux, écarter l'hypothèse d'un revenant une fois de temps en temps fait d'eux des esprits sceptiques. Comme on l'a dit précédemment, l'un des signes qu'on a affaire à un enquêteur pseudo scientifique, c'est la quantité d'appareils que la personne trimballe avec elle. Comme il s'agit le plus souvent d'outils scientifiques, créés pour du travail de recherche en laboratoire, ils dégagent une aura de scientificité. Il faut cependant répéter qu'aucun de ces appareils n'a été créé pour détecter des fantômes ou des esprits, et rien ne montre que les données qu'ils recueillent permettent de confirmer l'hypothèse de l'existence de revenants.

Pour montrer à quel point il peut être difficile de savoir si un groupe quelconque est constitué d'enquêteurs scientifiques ou non, voyons ensemble le site Web de la Rocky Mountain Paranormal Research Society. On y tente de faire passer les membres de la Société pour des esprits sceptiques et des scientifiques.

La popularité croissante du «paranormal» résultant de la manière spectaculaire dont on en traite la question dans les émissions de «téléréalité» a créé un certain nombre de problèmes que nous devons souligner. Le plus important est sans doute celui de la fraude. Les escrocs savent très bien profiter des tendances de l'heure pour dénicher de nouvelles victimes. Vient ensuite le problème de la qualité et de la légitimité de la plupart des enquêteurs paranormaux, même parmi les mieux intentionnés.
 
Un sérieux coup d'œil aux six critères suivants vous aidera à savoir à quel groupe vous devez vous adresser.
 
1. Caractère scientifique de l'approche adoptée
 
Notre intention est de découvrir la source de l'activité constatée, qu'elle soit «paranormale» ou non. La plupart du temps, les raisons que nous trouvons sont tout à fait prosaïques, ce qui permet au client de se rassurer et d'apprendre des choses intéressantes.
 
Nous sommes également parfaitement formés à l'utilisation de notre équipement.
 
2. Formation
 
La plupart des groupes ont tendance à considérer leurs appareils comme des «détecteurs de fantômes». De tels détecteurs n'existent pas.
 
Afin d'utiliser adéquatement l'équipement le plus fréquemment employé dans la recherche sur le paranormal, il faut tout d'abord comprendre ce pour quoi on l'a d'abord créé. Il n'a pas été inventé pour détecter des fantômes; comment donc l'adapter à nos besoins? Le plus souvent, nous nous en servons pour découvrir les causes tout à fait ordinaires de l'activité signalée.
 
3. Titres de compétence
 
Contrairement à la croyance populaire et à ce que laisse entendre le nombre incroyablement élevé de cours destinés à former des «chasseurs de fantômes», il n'y a pas d'«enquêteur paranormal certifié» ni de «chasseur de fantômes certifié».
 
4. Pratiques «connexes»
 
L'emploi de baguettes de sourcier, de pendules, de ouija, de cartes du tarot et autres méthodes de divination constitue un grand danger... On n'a pas prouvé que ces outils servent à quoi que ce soit dans le cadre d'une enquête ou d'une démonstration publique. On doit se servir de tels moyens de divination avant tout à des fins d'amusement et de développement personnel.
 
5. Affirmation improuvable
 
Beaucoup d'enquêteurs affirment collaborer avec la police à la résolution d'affaires inactives.
 
Jamais un service de police n'a résolu de cas à l'aide d'un médium.
 
6. Établissement des prix
 
Nous n'exigeons rien pour nos services.
 
L'éducation prend une très grande importance dans un domaine dangereusement non réglementé.

Tout cela est apparemment impressionnant, mais sous le point no 4, on peut également lire:

Dans les rares cas où nous ne pouvons trouver d'explication naturelle dans le cadre d'une enquête (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas), nous adoptons d'autres méthodes pour réconforter le client. Il peut s'agir de counseling, de purifications et d'autres méthodes de rechange. Cette pratique est rare, mais très efficace.

La mention de purifications et de méthodes «de rechange» non précisées devrait déclencher un signal d'alarme chez le lecteur. Ce ne sont pas les propos que devrait tenir une organisation scientifique et sceptique. À certains égards, celle-ci est plutôt suspecte. Par exemple, la section Outils de recherche de son site se termine sur une image qui semble tirée des petites annonces, section Chasse aux fantômes, d'un magazine ou d'un illustré quelconque. La Société affirme avoir passé des années à mettre au point «un ensemble d'outils simples mais spécialisés pour retracer des fantômes». On nous apprend également qu'à l'aide de l'équipement habituel de l'enquêteur pseudo scientifique, les membres de la Société arrivent à distinguer un vrai fantôme d'un faux (c'est-à-dire de ce qui passerait pour un vrai aux yeux d'autrui).

L'affirmation que la Société offre ses services à titre gracieux et qu'elle n'a pas de but lucratif peut être trompeuse. Beaucoup de particuliers ou de groupes ont des livres et des DVD à vendre. Quand on traite avec un enquêteur scientifique, ces produits pourraient être intéressants, sinon, ils ne constitueront qu'une perte de temps.

ASSAP

L'Association for the Scientific Study of Anomalous Phenomena (ASSAP) est située au Royaume-Uni et mérite sa propre section, ne serait-ce que parce qu'elle est très polyvalente et qu'elle existe depuis des années. L'auteur des présentes lignes veut également en parler parce qu'elle n'est affiliée à aucune organisation sceptique, comme lui [M. Carroll est associé de la CSI, membre de la James Randi Educational Foundation et membre de la Skeptics Society].

Le site Web de l'ASSAP explique que ses membres «enquêtent sérieusement sur l'étrange (et sur l'étrangement sérieux) depuis 1981». L'Association s'adonne principalement à «la recherche sur le paranormal et l'éducation du public». L'organisation se penche sur bien des choses (tout ce qui présente des anomalies), mais concentrons-nous sur son travail relatif aux fantômes.

L'ASSAP explique qu'elle se consacre «à la découverte de la vérité scientifique derrière les anomalies demeurant inexpliquées», une anomalie étant définie comme «un événement signalé pour lequel il n'existe pas d'explication scientifique largement acceptée». Le terme, apparemment, est utilisé comme équivalent du mot «paranormal». L'Association reconnaît que beaucoup d'événements paranormaux, sinon la plupart, sont dus à des erreurs de perception. Si certains sont réels, cependant, ils font partie du monde naturel et doivent pouvoir se soumettre à une démarche scientifique.

L'ASSAP rejette l'idée populaire que les fantômes sont des esprits. Après plus d'un siècle de recherche par les scientifiques, dit l'Association, tout ce que l'on peut affirmer est qu'«un fantôme (ou une apparition) est une forme humaine (mais parfois animale) que l'on voit, mais qui ne peut être présente physiquement». Elle reconnaît que cette définition fait des fantômes quelque chose comme une hallucination. D'après elle, la recherche indique qu'il y a plusieurs types de fantômes: «les apparitions en temps de crise; les fantômes liés à des souvenirs, les fantômes liés à des anniversaires, les fantômes de la route et les fantômes doués de sensibilité». Maurice Townsend, coéditeur du Paranormal Investigator's Handbook, écrit:

L'un des types de fantômes les moins controversés, semble-t-il, est celui qui est lié aux souvenirs. Nous connaissons tous des cas où le même phénomène se reproduit au même endroit encore et encore. Certains ont formulé l'hypothèse que le phénomène correspond à un enregistrement d'un événement passé qui s'est en quelque sorte inscrit dans l'environnement. L'idée est intéressante, mais personne n'a pu encore montrer de façon convaincante quel est le mécanisme à l'œuvre dans un tel cas.*

Nous avons vu plus tôt l'idée de Michael Persinger qu'un fantôme représente de l'information flottant quelque part au sein de l'environnement. Le concept de résonance morphique de Rupert Sheldrake reprend aussi l'hypothèse que l'histoire d'un endroit quelconque se trouve inscrite tout entière dans son environnement. Évidemment, on pourrait expliquer ainsi les apparitions de fantômes ou d'esprits, mais les preuves relatives à de telles inscriptions sont franchement faibles.

En fin de compte, l'ASSAP reconnaît qu'on ne sait pas ce que sont les fantômes, ce qui n'en facilite pas l'étude. En revanche, si l'on connaît le mode de manifestation d'un phénomène, on peut toujours se rabattre sur lui comme sujet d'étude. C'est la raison pour laquelle certains enquêteurs du paranormal se concentrent sur la psychologie des anomalies perceptuelles. Ils étudient ceux qui font l'expérience du paranormal, et cherchent les causes de l'événement non pas dans le monde extérieur, mais dans le cerveau de ceux qui en sont témoins. L'ASSAP recommande que les enquêteurs centrent leurs questions sur les personnes qui vivent des expériences paranormales.

Au lieu de relancer un débat stérile sur l'existence des fantômes, pourquoi ne pas poser une question d'un autre genre qui, elle, peut obtenir sa réponse - pourquoi certaines personnes disent avoir vu des fantômes? La question est toute simple, mais elle mène à des voies de recherches qui promettent, et que très peu de chercheurs du paranormal ont explorées.
 
Bien entendu, cette nouvelle question en entraîne beaucoup d'autres:
 
Quelle idée les gens qui disent habiter des lieux hantés se font-ils des fantômes, et pourquoi?
 
Que savent-ils des signes montrant qu'un endroit est hanté?

Se concentrer sur l'expérience du paranormal plutôt que se pencher sur un phénomène dont la nature même est inconnue semble une bonne idée. Toutefois, les récits personnels ne sont pas nécessairement fiables ou exacts, pas plus que les interprétations d'expériences étranges que l'on fait soi-même. Il pourrait être trompeur de déplacer le faisceau du projecteur vers le sujet de l'expérience plutôt que de recourir à des experts de la perception, du cerveau, de la mémoire, de l'interprétation des expériences, de l'établissement des liens de cause à effet, etc.

Employer l'équipement électronique pour documenter une expérience plutôt que pour chercher à prouver l'existence de fantômes - autre méthode de l'ASSAP - est également une bonne idée.

De façon appropriée, l'ASSAP se montre sceptique à propos des gadgets électroniques qu'emploient les enquêteurs pseudo scientifiques:

Quelques «fantômes» sont sans doute des hallucinations (hypnopompiques ou hypnagogiques, ou encore, dues à une paralysie du sommeil). D'autres ne sont que des personnes ou des objets que l'on prend pour des apparitions. Pour ce qui est des phénomènes qui restent inexpliqués, personne ne semble avoir utilisé des instruments de mesure quelconques pendant qu'ils se produisaient (dans le cas contraire, on ne l'a pas crié sur les toits!). Donc, même en supposant qu'il soit possible de détecter des fantômes, nous, de l'ASSAP n'avons pas la moindre idée de la façon dont on s'y prend. Si quelqu'un, quelque part, est dans le coup, qu'il communique avec nous tout de suite.

Les méthodes suggérées par l'ASSAP pour enquêter sur les fantômes et les lieux hantés semblent sceptiques et scientifiques. Elles sont détaillées dans plusieurs articles rédigés par Maurice Townsend, qui a été président de l'Association pendant 16 ans.

Les frais d'adhésion de l'ASSAP sont peu élevés, et rien n'indique, dans son site Web, que ses enquêteurs se font rémunérer pour découvrir des fantômes dans des résidences, des hôtels ou des sites touristiques, activité commune, apparemment, chez les enquêteurs pseudo scientifiques. Par contre, la formation prévue pour ceux qui désirent devenir enquêteurs ne se donne que durant une seule journée, ou au cours de rencontres de fin de semaine, et ce, une fois par an. L'ASSAP affirme pouvoir ainsi offrir à ses membres «des connaissances de base sur les techniques d'enquête, y compris l'entrevue, la recherche sur place et la veille, de même que des conseils sur la façon de traiter avec les médias relativement aux cas difficiles». Une formation aussi brève a toutes les chances d'être simpliste. On ne peut apprendre à mener une enquête scientifique en un seul jour ni en une fin de semaine. En outre, la formation semble inclure une partie sur la vision à distance et la psychokinésie, pratiques douteuses pour un enquêteur paranormal, pour dire le moins.

Chasseurs de fantômes et éthique

L'un des problèmes les plus évidents en relation avec l'éthique et les enquêteurs paranormaux qui se spécialisent dans les lieux hantés et les fantômes concerne l'équipement et les outils du métier dont on a parlé plus tôt. Vendre ces instruments en les faisant passer pour des appareils à détecter les esprits est en soi immoral. On connaît leur inefficacité à ce titre; leur attribuer une efficacité qui n'existe tout simplement pas constitue une fraude. Une loi éventuelle sur la publicité frauduleuse pour ces appareils resterait cependant sans effet, puisque les vendeurs n'auraient qu'à reformuler leurs annonces: Le produit XYZ - employé dans l'enquête sur le mystère de la maison Avery, ou Voici ce que Untel, de l'émission «La Traque aux fantômes» nous dit sur l'appareil XYZ.

D'autres problèmes viennent du fait qu'on n'exige aucune formation, certification ou licence de la part des chasseurs de fantômes, ce qui constitue une porte grande ouverte pour toutes sortes de comportements peu recommandables. Des individus ou des groupes peuvent s'afficher comme capables de déterminer si un endroit est hanté, et s'arroger en exclusivité la capacité de «purifier» l'endroit, tout en se disant les seuls habilités à se prononcer sur la qualité de leur travail. Pire, n'importe qui peut se présenter comme «expert» et offrir des cours et des certificats comme bon lui semble. Ce qui est exactement ce que Patti Starr a fait avec Ghost Chaser International. Il y a également l'International Ghost Hunters Society (de Dave et Saron Oester), qui offre une adhésion gratuite et des certificats au coût modique de 35 $ US.

 

Certificat de chasseur de fantômes

On cherchera en vain un «enquêteur paranormal licencié», mais voici certaines caractéristiques qui vous permettront de savoir si vous vous adressez à une personne ou un groupe de bonne réputation, qui a les connaissances nécessaires pour mener une enquête adéquate. Quelle formation, quelles connaissances possède la personne à laquelle vous vous adressez en matière de logique, de science et de pensée critique? A-t-elle une formation ou de l'expérience dans le domaine judiciaire? Comprend-elle la nature et les limites de la perception et de la technologie? Combien d'enquêtes a-t-elle menées? Étaient-elles de nature diverse, ou appartenaient-elles toutes au même type? Qu'en est-il résulté? L'enquêteur a-t-il publié des livres ou des articles dans des revues ou magazines de bonne tenue? De quelle réputation jouit-il dans la communauté scientifique? Si votre type n'a mené que quelques dizaines d'enquêtes, au bout desquelles il a chaque fois découvert un fantôme, adressez-vous à quelqu'un d'autre, surtout s'il arrive chez vous avec tout un camion chargé d'équipement. Et s'il est accompagné d'un médium ou qu'il a un tableau de ouija sous le bras, vous pouvez lui claquer la porte au nez. Au contraire, s'il a mené des centaines d'enquêtes et qu'il a découvert des explications naturelles ou qu'il n'a pu conclure comme tel, vous venez peut-être de trouver la personne qu'il vous faut.

Brian Schill a rédigé un article sur l'éthique et les enquêtes paranormales pour le Haunted Times (2009). Son article a fait l'objet de commentaires intéressant de la part de l'enquêteuse Karen Stollznow, dans son essai «The Ethics of Ghost Hunting?» D'après elle, le protocole recommandé par Schill

n'est qu'une liste superficielle de règles évidentes en soi: respectez la propriété privée; n'employez ni drogues ni alcool; ne lancez pas de propos de nature discriminatoire. Bizarrement, l'article passe ensuite à des marches à suivre pour la photographie d'orbes et l'enregistrement de voix électroniques. Ensuite, la liste des «normes» commence à ressembler aux listes d'interdits qu'on affiche dans les terrains de jeu: «On ne doit ni courir ni se chamailler durant une enquête. Ce type de comportement ne convient pas dans de telles circonstances et n'est pas un signe de respect envers le propriétaire des lieux et les lieux mêmes.»
 
La création d'un code d'éthique dissimule le fait que le problème vient de la chasse aux fantômes comme telle. Ce sont les croyances, pratiques, affirmations, conclusions et traitements entourant cette pratique qui sont le plus souvent non conformes à l'éthique.

Comme il n'y a aucune façon de prouver que les résultats obtenus des chasseurs de fantômes par leurs gadgets électroniques ne sont pas causés par des revenants, il n'y a aucune façon de prouver qu'ils escroquent leurs clients. Tout tourne autour de la confiance qu'accorde le client à son enquêteur. Par conséquent, la première règle d'éthique à observer serait que l'enquêteur doit éviter de prendre part à la «purification» d'un lieu qu'il déclare hanté.

... une fois que le chasseur de fantômes a «diagnostiqué» qu'un endroit est hanté, il devient contraire à l'éthique qu'il tente de mettre fin au phénomène allégué. Certains groupes ont recours aux services de médiums, démonologues et autres praticiens du paranormal pour «traiter» les lieux hantés à l'aide de rituels de protection, de pacification de revenants, de cérémonies de purification, de bénédictions, d'exorcismes et autres spectacles hollywoodiens. Au mieux, il s'agit de placebos pour la victime apparente, et au pire, d'une forme de fraude (Stollznow 2009).

Il y a des gens qui sont véritablement effrayés à l'idée qu'il y ait des fantômes chez eux et qui agissent de bonne foi en faisant appel à un enquêteur paranormal. Ces personnes sont particulièrement vulnérables et facilement manipulables. L'enquêteur sans vergogne peut tenter de profiter d'elles par toutes sortes de promesses, mais aussi faire grimper leur niveau d'anxiété bien inutilement.

Offrir une «purification» à titre gracieux n'arrange rien, puisqu'il n'existe aucune preuve qu'une activité ou un rituel quelconque chasse effectivement les fantômes. L'exorcisme ne repose que sur des superstitions. Même si de telles pratiques servent à calmer les appréhensions du client superstitieux, rien ne peut les justifier. Mentir à quelqu'un dans le but de le tranquilliser présente peut-être des avantages à court terme, mais à long terme, un tel comportement est contraire à l'éthique et ne peut bénéficier ni à la personne ni à la société.

Que penser des entreprises touristiques comme les hôtels qui prétendent être hantés pour attirer le chaland? Elles peuvent très bien embaucher un enquêteur pour vérifier s'il y a bel et bien des fantômes qui se promènent chez elles, et certains membres de la profession sont toujours prêts à donner au client ce qu'il demande.

La traque aux revenants... se trouve encouragée par tous ces restaurants, hôtels et autres entreprises «hantés» qui mettent de l'avant leurs propres histoires folkloriques et comptent souvent sur les préjugés des chasseurs de fantômes.
 
Les problèmes d'éthique peuvent survenir quand un groupe de chasseurs de fantômes forment une «entreprise» qui fait de la publicité à propos de ses «services», qui s'attire des «clients» et qui finit par pénétrer dans des résidences privées avec le consentement de leurs habitants, voire à leur invitation (Stollznow 2009).

Selon Stollznow, «Pour se conformer véritablement à l'éthique, les chasseurs de fantômes devraient éviter les enquêtes personnelles pour ne pas se trouver mêlés à la vie privée d'autrui». D'un autre côté, un enquêteur paranormal soucieux d'éthique pourrait se rendre utile en apaisant les craintes de personnes qui croient hantés les lieux qu'elles habitent, particulièrement là où abondent des collègues moins scrupuleux qui n'hésitent pas à profiter des peurs de chacun et à offrir des exorcismes comme s'ils étaient des prêtres.

 

Voir également: Esprits frappeurs.

 

Nota: En préparant ce qui précède, l'auteur des présentes lignes a reçu un courriel d'une enquêteuse qui se prétend scientifique, apparemment, sans croire qu'utiliser des instruments électroniques pour détecter la présence de fantômes relève de la pseudo science. Quoi qu'il en soit, les préoccupations qu'elle exprime sont intéressantes.

Je suis la fondatrice de la Société XYZ pour le paranormal qu'on voit dans «XXX» (l'une de ces bandes de toqués chasseurs de fantômes). J'ai lu votre article sur l'application de la pensée critique aux enquêtes sur le paranormal, et presque tout ce que j'y ai lu m'a paru parfaitement exact. Nous n'avons aucune idée sérieuse de la façon dont on peut détecter une entité, et la majeure partie de nos outils sont, dans les meilleurs des cas, peu fiables. Notre organisation se fie effectivement sur les outils de base du métier; la seule façon de comprendre à quel point un instrument quelconque est utile, c'est de l'utiliser. Par contre, nous n'employons pas de tableaux de ouija, de médiums ni de baguettes de sourcier. Je rappelle avec insistance à nos enquêteurs que nous ne sommes pas des scientifiques, et je nous vois davantage comme des historiens ou des détectives. Notre meilleur outil est la pensée rationnelle. On fait appel à nous pour savoir ce qui se passe vraiment là où nous enquêtons, et nous nous acquittons très bien de cette mission. Nos exigences en matière de «preuves» sont très élevées. La plupart des cas qu'on nous signale sont parfaitement explicables. Malheureusement, la télé a sensationnalisé le milieu et y a attiré trop d'amateurs de sensations fortes et de croyants dogmatiques. Moi, j'ai tendance à me tourner vers des sites Web comme le vôtre quand je cherche des explications rationnelles à propos de l'inexpliqué. Il faut reconnaître qu'il y a beaucoup de lacunes dans le domaine, mais n'oubliez pas que nous ne sommes pas tous semblables. Certains d'entre nous se consacrent à la recherche de la vérité de façon tout à fait honnête.
 
Merci.
 
XXXX
 
Fondatrice de la Société XYZ pour le paranormal
 

Réponse: Malheureusement, les bonnes intentions ne sauraient suffire. Certains valent mieux que d'autres pour mener des enquêtes sur des événements paranormaux. Bien des enquêteurs ne semblent rechercher que des sensations fortes et leurs activités n'ont rien de scientifique. Y a-t-il quoi que ce soit de mal à cela? Comme le dit XXXX, les chasseurs de fantômes ne sont pas tous semblables. Malheureusement, je doute que même les mieux intentionnés d'entre eux arriveront à quoi que ce soit de bon s'ils insistent pour croire et faire croire que des appareils comme des détecteurs de champs magnétiques peuvent révéler la présence de fantômes.

Dernière mise à jour le 23 août 2019.

Source: Skeptic's Dictionary