LES SCEPTIQUES DU QUÉBEC

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L'héritage d'Adelle Davis

Dr Stephen Barrett

Adelle Davis (1904-1974) est la première personne renommée en santé qui fait partie de la vague moderne des "spécialistes" en nutrition qui a eu une formation professionnelle formelle. Elle a eu une formation en diététique et nutrition à l'Université de Californie à Berkeley, et reçu une maîtrise en biochimie de l'Université de Southern California en 1938. Malgré cette formation, elle a fait la promotion de plusieurs centaines de théories et d'éléments associés qui n'étaient pas prouvés. A la White House Conference on Food and Nutrition de 1969, le panel sur la tromperie et l'information erronnée était entièrement d'accord que Davis était probablement la source la plus dommageante d'information fausse sur la nutrition au pays.La plupart de ses idées étaient sans danger à moins qu'elles soient exagérées, mais certaines étaient dangereuses. Par exemple, elle recommandait le magnesium comme traitement pour l'épilepsie, le chlorure de potassium pour certains patients atteints de maladie rénale, et des mégadoses de vitamines A et D pour d'autres conditions.

Son livre le plus populaire était Let's Eat Right to Keep Fit. George Mann, M.D., Sc.D., de Vanderbilt University School of Medicine a entrepris la tâche épuisante de documenter les erreurs dans la publication et aurait trouvé en moyenne, une erreur par page. Dans Let's Get Well, Davis avait 2,402 références dans sa bibliographie pour "documenter" les 34 chapitres du livre. Toutefois, des experts qui ont vérifié les références rapportèrent que plusieurs d'elles ne contenaient pas de données pour appuyer ce qu'elle écrivait dans le chapitre relié [1]. Dans le chapitre 12, par exemple, dans une référence donnée dans sa discussion sur les "problèmes labiaux" et les vitamines, il y avait un article sur l'influenza, l'apoplexie, et l'aviation, avec aucune mention de lèvres ou de vitamines. Gordon Schectman, un chercheur au Columbia University's Institute of Human Nutrition, a comparé 201 énoncés au chapitre 5 ainsi que les publications citées en appui. Il a conclu que seulement 30 (27%) de ces déclarations étaient appuyées par les références et que 112 (56%) étaient soit contradictoires ou non reliées [2].

Au début des années 1970, Edward Rynearson, M.D., professeur émérite de médecine à la Clinique Mayo, a observé:

Let's Get Well est "dédié aux centaines de médecins merveilleux don't la recherchea rendu possible la publication de ce livre." La bibliographie cite des miliers de références (lors d'une de ses présences à la TV, elle aurait dit "jillions"). . . . On peut deviner qu'un large groupe d'assistants, chacun avec sciseaux à la main, a lu des quantités énormes de littérature, la plupart publiée dans la langue anglaise. Et lorsqu'on tombait sur une référence sur les vitamines, les minéraux, les hormones, le cancer, etc. la référence était récupérée et placée parmi des centaines d'autres. . . toutes souvent utilisées pour appuyer ses prétensions non-critiquées et non scientifiques.

A la page 9 elle dit, "Les centaines d'études utilisées comme source du métériel pour ce livre ont été presque toutes dirigées par des médecins, peu-être 95% étant professeurs de médecine." . . .Je crois que moins de 10% l'étaient [3].

Lorsque Rynearson a communiqué avec dix-huit experts dont le travail avait été cité dans son livre, tous auraient dit qu'il n'aimaient pas le livre, plusieurs disant que leurs opinions étaient reproduites de façon erronnée ou sans corrélation au texte. Le docteur Victor Herbert a noté que dans chaque cas où il a été cité comme auteur d'un article scientifique, il a été cité de façon erronnée.

En 1971, une victime âgé de 4 ans, fut hospitalisée suite aux conseils de Davis, à l'University of California Medical Center à San Francisco.L'enfant semblait pâle et souffrir d'une maladie chronique. Elle avait la diarrhée, vomissait, était fiévreuse, et perdait ses cheveux. Elle avait une hypertrophie du foie et de la rate, et des signes d'une tumeur au cerveau. Sa mère, "une maniaque de l'alimentation qui lisait Adelle Davis religieusement," lui aurait donné des doses massives de vitamine A et D en plus du lactate de calcium. Heureusement, lorsqu'on cessa ces suppléments diététiques, la condition de la petite s'est rapidement améliorée.

La petite Eliza Young n'était pas aussi chanceuse. Durant la première année de vie, elle reçu des "quantités généreuses" de vitamine A comme recommandé dans le livre Let's Have Healthy Children. Le résutat, selon une poursuite en 1971 contre Davis et son éditeur, la croissance d'Eliza a été beaucoup retardée. La succession d'Adelle Davis en 1976 a payé $150 000 dans une entente hors-cours.

Ryan Pitzer âgé de 2 ans était encore moins chanceux [4]. Selon la poursuite entreprise par ses parents, Ryan a été tué en 1978 suite à l'administration de chlorure de potassium pour coliques comme suggéré dans le livre. La poursuite s'est terminé par une entente hors-cours de $160 000 - $25 000 de l'éditeur, $75 000 provenant de la succession d'Adelle Davis, et $60 000 du manufacturier du produit de potassium. Après que la poursuite ait été intentée, le livre a été rappelé des librairies, mais il a été remis en vente après des modifications faites par un médecin relié à l'industrie de l'alimentation naturelle.

Le paragrahe qui a tué Ryan

Dans une étude de 653 bébés,tout enfant ayant des coliques a un potassium sanguin bas."L'amélioration était dramatique,"et les coliques sont disparues immédiatement, lorsque les médecins donnèrent 500 à 1,000 milligrammes de chlorure de potassium par voie intra-veineuse ou 1,000 à 2,000 milligrammes par la bouche. Ces médecins ont trouvé que la plupart des bébés avaient besoin de 3,000 miligrammes de chlorure de potassium (2/3 c.à thé) pour corriger les coliques. Ils suggéraient que le potassium soit donné pour prévenir les les coliques, particulièrement durant les diarrhées, lorsqu'une grande partie de ce nutritif est perdu dans les selles. Le potassium est aussi perdu quand trop de sel (sodium) est donné au bébé, et/ou lorsque l'acide pantothénique est tellement déficient que les surrénales deviennent épuisées.

La recommandation de potassium par Davis pour les coliques était basée sur une fausse interprétation d'un article de 1956 dans Nutrition Reviews au sujet du potassium dans la gastro-entérite [5]. L'article référait à une étude antérieure de 653 nourissons hospitalisés, qui aurait trouvé que l'incidence de ballonnement abdominal et de paralysie intestinale était plus élevée chez 67 d'eux qui avaient un taux bas de potassium. L'article notait que malgré que le potassium puisse améliorer ces symptômes, son administration chez un nourisson déshytdraté pourrait causer un arrêt cardiaque [6]. (C'est ce qui a tué Ryan Pitzer.) L'article n'avait rien à faire avec les coliques et ne mentionnait pas que "la plupart des bébés nécessitaient 3 000 milligrammes de potassium" pour survivre. Le dosage était 1 000 à 2 000 milligrammes administrés pendant une période de 24 heures, pas d'un seul coup. L'amélioration "immédiate et dramatique" à laquelle Davis faisait allusion était chez un nourisson (non pas 653) et ce sur une durée d'une semaine. La perte de potassium était causée par des vomissements incessants ainsi que des diarrhées, non pas par "trop de sodium."

En 1982, des pédiatres du University Of California School of Medicine à Los Angeles ont rapporté un cas de surdosage quasi-fatal chez un garçon de trois semaines à qui on a administré du potassium pour des coliques. Dans ce cas, le potassium était contenu dans un substitut de sel ajouté à une solution acidophile comme recommandé dans un autre paragraphe de la discussion des coliques. Après quatre jours, le nourisson est devenu léthargique et irritable, dyspnéique et progressivement amorphe et cessa de respirer. Les parents ont fait un bouche-à-bouche et l'ont rapidement amené à l'urgence, où il a repris sa respiration spontanément. Son taux de potassium était très élevé mais il a bien répondu au traitement [7].

En 1972, un groupe de nutritionnistes renommés ont eu la chance de demander à Davis d'indiquer quelle évidence scientifique elle avait pour appuyer plusieurs de ses théories. Comme la plupart des fanatiques de l'alimentation, elle n'avait pas de preuve. Pour chaque question qu'on lui posa, elle répondit, " J'accepte votre critique," "je peux avoir tort" ou "je ne dis pas que ça fonctionne." [8] Mais elle n'a jamais dit à ces partisans que beaucoup de ses prétentions n'avaient pas d'appui véridique ou qu'elles seraient dommageables.

Adelle Davis disait qu'elle n'a jamais vu quelqu'un faire du cancer qui buvait une pinte de lait par jour, comme elle a tjrs fait. Elle cessa de dire cela lorsqu'elle a eu le cancer et décéda en 1974, laissant derrière elle dix millions de volumes et énormément de partisans dévoués et mal renseignés.

 

Bibliographie:

  1. Young JH, Obituary of Adelle Davis. In Notable American Women: The Modern Period. Cambridge, MA: Belknap Press (Harvard University Press), 1980.
  2. Adelle Davis's books on nutrition: Commentary by Edward H. Rynearson, M.D. Medical Insight, July/Aug 1973, pp 32-34.
  3. Schectman G. Adelle Davis and atherosclerosis: An in-depth critique. Aug 1974.
  4. Rynearson EH. Americans love hogwash. Nutrition Reviews 32 (suppl):1-14, 1974.
  5. Wetli CV, Davis JH. Fatal hyperkalemia from accidental overdose of potassium chloride. JAMA 240:1339, 1978.
  6. Schlesinger B, Payne B, Black J. Potassium metabolism in gastroenteritis. Quarterly Journal of Medicine 24:33-49, 1955.
  7. Potassium metabolism in gastroenteritis. Nutrition Reviews 14: 295-296, 1956.
  8. Oseas RS, Phelps DL, Kaplan SA. Near fatal hyperkalemia from a dangerous treatment for colic. Pediatrics 69:118, 1982.
  9. Knight G. Confrontation in Washington. AIN Nutrition Notes, Sept 1972.
  10. Ziegler DS. Goat's milk quackery. Journal of Pediatrics and Child Health 41:569-571, 2005.

Dernière mise à jour le 17 février 2019.

Source: Quackwatch